dimanche 16 septembre 2007

La charge de Taillandier

Il faut lire François Taillandier. Tout Taillandier. Ses romans comme Des hommes qui s'éloignent, Anielka, la suite "La grande intrigue" avec, déjà publiés, Option Paradis, Telling, Il n'y a personne dans les tombes. Ses essais sur Borges et Aragon. Son Journal de Marseille. Il ne faut pas oublier de lire, tous les jeudis, ses chroniques données à L'Humanité. Il y scrute les tristes temps où nous vivons, ne laisse rien passer de la saloperie à l'oeuvre, rend les coups avec l'élégante classe de ceux qui n'ont plus rien à perdre. Des charges terribles à ne pas manquer :

"Je crois que j’ai trouvé quelque chose à propos de ce nouveau style présidentiel qui intrigue la France, avant de lui casser les pieds (ce qui, à mon avis, ne tardera sans doute pas). Ce style qui sert à dire à tout instant : voyez, je suis infatigable, ultra performant, toujours sur la brèche, je suis un battant, un concentré d’énergie active, un hyper-manager en acier trempé. Ce style, mais voyons, c’est le style déjà vieux, déjà ringard peut-être, de l’entreprise moderne, qui ne parle qu’excellence, performance, compétitivité, voire même, dans ses grands moments créatifs, hyper-réactivité hi-speed (si, si ! ça existe !). C’est ce discours cynique et lyrique qui dit adaptez-vous, mobilisez-vous, faites-en toujours plus ! C’est le mot d’ordre au nom duquel le cadre stressé par l’obsession du résultat tremble d’angoisse au lieu de dormir, quand il ne se sustente pas aux anxiolytiques ou aux amphétamines. C’est le mot d’ordre au nom duquel il fabrique sa dépression et de temps en temps son suicide. C’est le mot d’ordre imposé à des peuples entiers, désormais coupables s’ils regimbent devant les impératifs d’une mondialisation capitaliste menée à coups de casse sociale. C’est un style qui cherche à nous dire : nous ne devons pas seulement nous soumettre, nous devons en être heureux. Nous ne devons pas seulement en baver, nous devons clamer que nous aimons ça. C’est le discours déjà éculé d’un capitalisme qui, n’ayant longtemps demandé à ses salariés que leur force de travail, a, dans la dernière période, voulu aussi leur âme."

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