mardi 29 janvier 2008

Souvenir de Marie-Jo

Marie-Jo,

Vous êtes sous mes yeux et je me souviens de votre dernière apparition, il y a longtemps, à San Diego. Caressée par une caméra discrète, par le discours amoureux du cinéaste Régis Wargnier, vous annonciez alors votre retour.
Je revois votre foulée sur la plage, votre fuseau blanc, votre top rose d’une élégance sexy folle. Anthony Maybank, votre compagnon, ne vous quittait pas des yeux. Je me glissais à ses côtés, j’épousais votre ombre. Ce que je voyais, je le savais déjà. Je l’avais deviné, imaginé, et Bashung avait dit : « Marie-Jo s'en est allée inhaler/ Les parfums de l'indolence /Elle reviendra si ça lui chante /Si elle y pense. »
Il faut toujours croire Bashung sur parole, surtout quand il chante la grâce des gazelles, ces biches de la savane qui affolent les boussoles, ces lianes black de muscles fins à baiser, ces silhouettes couleur café qui n’ont peur de rien, hormis des chasseurs de scoop, des charognards hexaconaux.
Ils vous ont salie Marie-Jo. Ils ont bavé sur votre foulée. Ils ont postillonné sur vos larmes et sur vos peurs. C’était à Sydney lors des JO. Les salauds hors-catégorie voulaient votre peau. Ils vous ont ratée. Il faut du gros plomb pour abattre une gazelle. Et le plomb, le pétrole qui flambe, ces messieurs n’en ont pas. Oublions-les.
La parole n’est pas à votre palmarès. Nous devrions tous le connaître par cœur, long poème d’écolier admiratif à réciter d’une traite : les victoires, les médailles, les records, l’œuvre de funambule bâtie sur les pistes d’Atlanta, d’Edmonton.
La parole est aux images, aux frissons qui s’emparent de l’échine, et à la foulée, la vôtre, immense et légère, démesurée et belle, foulée qui plante les secondes, les oublie, les enrhume et reparaît souveraine.
Marie-Jo, vos dernières lignes droites étaient des mots que nous ne pouvions qu’effleurer. Des mots qui se sont échappés avec vous. Gazelle vous êtes, Mademoiselle Gazelle, une barbare inoubliable, une barbare à l’assaut des tréteaux montés. Votre sourire retrouvé, hors course, est coupant et fruité comme un baiser.
Marie-Jo, une dernière chose : les souliers rouge et noir que vous portiez sur la plage de San Diego, les mêmes qui vous ont accompagné sur le théâtre de toutes vos conquêtes, de toutes vos ruées, s’appellent des pointes. Je le savais Marie-Jo, vous êtes une danseuse.

dimanche 27 janvier 2008

Cet homme est une crapule

Pourquoi Mitterrand, qui connaissait les solutions radicales, n'a-t-il pas réglé le cas de cette balance criminelle, en temps et en heures ?

Carte postale d'Alain Bonnand

Suite à un salute sur ce blogue, Alain Bonnand a déposé une carte postale passée inaperçue. C'était en novembre 2007. Le monde d'avant, toujours.
Nous parlions de Bonnand, entre amis, jeudi dernier chez Camdeborde, place de l'Odéon. Ces quelques mots nous font plaisir, Alain, et nous attendons (ou pas) vos nouvelles Jambes d'Emilienne ...
"J'ai longtemps fait la plonge chez mon papa, mais je n'ai jamais été peintre en bâtiment. (Je ne sais pas qui est le farceur qui aura si mal documenté Fabrice Gaignault à mon propos.) Oui, hélas, je n'ai pas eu à survivre. J'habite Damas, je vais à la pêche à Tartous, en train de nuit, avec ma fille Andrée et quand je rentre à Reims, comme en ce moment, ce n'est guère que pour y acheter un petit bien supplémentaire...Quelques fameux qui manquent au Dictionnaire de Gaignault : André Frédérique (La grande fugue), Thomas Raucat (Loin des blondes, L'honorable partie de campagne), Grisélidis Réal (La passe imaginaire, Le noir est une couleur)."

jeudi 10 janvier 2008

Sid Vicious - My Way

A minuit,
Le 1er janvier 2008
J'avais Sid Vicious
dans les oreilles,
une Lucky aux lèvres
et ma muse pas loin.
Que demande le peuple ?

mercredi 9 janvier 2008

"Les jeunes filles, les jeunes filles, les jeunes filles, les jeunes filles... et Hop un alexandrin !"

Ecoutant Because the night de Patti Smith, je me souviens avoir dit à une jeune fille , il y a longtemps, qu'elle ne valait pas mieux que son job. " Tu m'as détruite" a -t-elle répondu. La jeune fille avait du cran. La jeune fille m'a dit d'aller me faire foutre. J'ai pris l'insulte, à mon habitude, comme un compliment. J'étais déjà une ordure un peu conne, un peu imbibée. La jeune fille était très bien dans son job. La jeune fille était surtout une princesse du macadam, des bars enfumés et des mots jetés à la lune. La jeune fille était belle comme une chanson italienne. La jeune fille était un "petit chose" précieux qui retient tous les dires, surtout les pires. Elle oubliait le peu de joie qu'offrent les sourires tristes. Elle méritait d'être follement aimée. Elle l'est aujourd'hui, je crois. Je l'embrasse, de loin. Je tchinerai bien avec elle, sur les décombres de la fin du monde.

PS : Le titre est de Jérôme Leroy. J'aime beaucoup.

dimanche 6 janvier 2008

Rendez-vous à Samarra

Noël avalé, le Nouvel an bu - souvenir exquis de la voix de Sid Vicious chantant My Way -, les conseils des donneurs et donneuses de bonnes résolutions aux oubliettes - arrêter de fumer, se préserver, savoir raison garder, disparaître ... -, il est temps de se rendre à Gibbsville. C'est-à-dire de lire, de relire : Rendez-vous à Samarra de John O' Hara. Le plus beau des romans, une tuerie qui nous dit tout sur la chute et l'impossible rédemption d'un homme. Dans les années 30 aux Etats-Unis comme aujourd'hui, partout.
Un 24 décembre, au Lantenengo Country Club, Julian English balance son verre à la figure d'un gras monsieur. Juste parce qu'il n'aime pas la gueule du bedonnant. Croit-on. En fait juste parce qu'il est difficile, parfois, passé un certain degré d'ordurerie du monde, de ne pas laisser quelques neurones dans la grande bagarre. Après ce geste absolument pas gratuit, Julian va tout perdre en deux jours. Avec la méthode triste et flamboyante de ceux qui s'imaginent tenir en équilibre par la grâce de la dive bouteille mais finissent par y tomber.
Les verres de ouisquie bus par Julian sont le choeur déchirant de Rendez-vous à Samarra. Ils nous disent tout d'une enfance qui ne passe pas, de l'amitié qui s'en va, de la laideur d'une époque où les truands ont parfois la trogne de gens sans histoires. Ils nous parlent aussi des danseuses au décolleté affolant les boussoles, jeunes filles légères et profondes qu'il faut arracher aux soirées ennuyeuses pour leur offrir un grain de folie. Ils nous parlent encore d'une femme aimée si longtemps avant de l'aimer si mal, une femme dont les mots de colère déchirent la nuit : " Ah ! stupide Julian, haïssable, moche, vil, méprisable petit salaud que je hais ! Tu m'as fait ça à moi et tu sais que c'est à moi que tu l'as fait ! Tu le sais. Tu l'as fait exprès. Pourquoi ? [...] Si tu savais la moindre des choses, tu saurais qu'en ces moments-là, j'ai encore plus envie de toi qu'en n'importe quel autre. Mais tu bois cinq ou six whisquies et tu veux absolument être irrésistible. Tu ne l'es pas. J'espère que tu l'as compris. Mais tu ne l'as pas compris. Et tu ne le comprendras jamais. Si je t'aime ? Oui, je t'aime. Je le dis comme je dirais que j'ai un cancer si j'avais un cancer. Aussi simplement. Sans hésitation..."
Elle s'appelle Caroline. D'elle, à la fin du roman, O'Hara nous dit que : "Pendant tout le reste de sa vie, ce qui lui paraissait long, même si elle mourait dans une heure, la pensée de Julian lui donnerait toujours envie de pleurer. Elle ne pleurerait pas sur lui. Il était très bien maintenant, mais à cause de lui, parce qu'il l'avait quittée et qu'elle n'entendrait plus le son des petits V de métal sur un sol dur, qu'elle ne sentirait plus son odeur, l'odeur des chemises blanches bien propres et des cigarettes, et parfois du whisky."
Lire Rendez-vous à Samarra (Bernard Pascuito éditeur), lire John O'Hara, cousin d'Amérique de Drieu.