mardi 23 septembre 2008

Marignac sur le ring

Le plaisir sur le ouèbe, c'est http://chroniquesmarignac.blogspot.com/
Marignac n'en fait qu'à son style, mots à l'assaut ou à la caresse.
Il parle de ce qu'il veut, traduit des poèmes inédits de Limonov, nous rappelle la première phrase d'un roman d'Hervé Prudon : "J’étais dans un compartiment fumeurs avec la plus belle fille du monde."
A lire urgemment, ces derniers jours, quatre textes beaux et violents comme l'étaient les enchaînements de Marvin Hagler :

lundi 15 septembre 2008

"Lyrisme post hussard" I

Au commencement était la peau d’Elsa.
Une peau de vingt et quelques printemps, légère comme de la chantilly sur la langue.
Une peau qui happa Théo Vailland, une fin d'après-midi de janvier, alors qu’il revenait de la faculté de droit et de sciences politiques. Il avait donné ses cours d’ « Histoire politique » avant de boire des demis avec Frédéric, son meilleur ami.
C’était à Rennes au début du siècle, une drôle d'époque où la fumée offrait encore ses reflets bleutés aux bistrots de France.
Dans les rues de la ville, l’hiver crachait son haleine givrée sur des corps toujours trop pressés. Place Hoche, des SDF avaient plantés des tentes surmontées d’écriteaux « Le froid, ça tue », « Le froid au goulag », « le froid, persona non grata ». Des inscriptions qui voisinaient avec une poignée d’ados en T-Shirts fluos se déhanchant sur une rythmique techno et des filles de l’Est en noir et blanc vêtues d’incandescents tangas, héroïnes glacées d’immenses panneaux publicitaires.
Sur l'esplanade du Parlement de Bretagne, Elsa apparut. Elle passait comme passent les héroïnes dans les films, dans les romans qu'on n’oublie pas : une fugitive silhouette découpant la nuit tombante. Elle ressemblait à beaucoup de filles, classiques beautés blanche et brune aimées rapidement, mais elle était de celles dont Théo tombe amoureux.
Il le sut tout de suite, dès qu’elle le frôla dans un trench rouge à la coupe serrée, bottée de cuir, un béret kaki recouvrant de lourdes boucles noires caressant les épaules. Son pas sur l’asphalte possédait l’éclat des banderilles. Elle avait aussi, à la lueur des réverbères, un joli regard de myope. Des yeux vert et noisette, avec un soupçon de gris, où la lune accrochait des secrets. Des yeux de prise d’otage, soudain braqués sur Théo qui, instinctivement, la suivit.
Elsa se livrait sans attention aux voitures plein phares. Elle se retournait parfois, ne le voyait pas.
Tous les projos étaient braqués sur elle.
Des projos pour son maquillage délicat, un peu de mascara sur la neige et un peu de rose qui souligne les lèvres. Des projos pour la courbe de sa nuque, la pointe de ses seins sous l’étoffe, ses cuisses esquissées.
Elsa était une piétonne exquise.
Rue Gambetta, Théo gagna du terrain tandis qu’une pluie glaciale pointait ses premières gouttes. Il allait s’approcher quand elle rajusta son béret et pénétra, place Saint-Germain, dans un café où il avait ses habitudes : le Bonnie and Clyde.

vendredi 12 septembre 2008

Dans ma gueule

"... surcharge d'adjectifs, lyrisme post hussard, pose romantique. C'est vu et revu. Soyez plus sobre, plus juste. Ne vous regardez pas écrire."

lundi 8 septembre 2008

Merde in France

Nadine Morano se déchaîne sur la piste de danse
Vidéo envoyée par anathemademax

Après les "crocs" de Bachelot, les questions de Morin et le bébé Dati : la flasque bidoche moranesque investit le dancefloor. On en est là ? On demande des Ossètes énervés pour mettre un peu d'ordre !

vendredi 5 septembre 2008

A la recherche du temps en fuite

A Cabourg, Jean revient sur les pas des étés de sa jeunesse. Il a laissé femme et enfants à Paris le temps d’un vagabondage loin de la lassitude et de la mauvaise humeur. A peine arrivé, il suit distraitement une femme dont le parfum – poivre et cannelle - l’attire. Quand elle se retourne, il reconnaît Garance, la petite amoureuse de son adolescence. A ses côtés, Jean va arpenter de nouveau une géographie sentimentale, qui n’a jamais cessé de le hanter, et se souvenir d’Yvonne.
Qui est Yvonne ? La mère de Garance et le cœur battant des Moustaches de Staline, roman dont la petite musique, mêlant grains de folie et ombres tristes, nous rappelle une chanson de Charles Trenet : « Que reste-t-il de nos amours / Que reste-t-il de ces beaux jours / Une photo, vieille photo / De ma jeunesse … »
Chez Cérésa, auteur qui se moque des genres et passe avec légèreté du roman historique à la chronique des amours défuntes, on croise Trenet, des écrivains infréquentables et Sagan, Chet Baker et la Callas ou encore des stars d’Hollywood, seules étoiles pouvant être comparées, dès sa première apparition, à la grâce pimentée d’Yvonne : « Elle portait un débardeur et un short rose. Moi, j’étais sur mon vélo, un peu en retrait, pétrifié. J’avais treize ans, elle vingt de plus. Elle ressemblait à Candice Bergen dans La canonnière du Yang Tsé. »
Les amours de jeunesse ne meurent jamais
S’il embrassait Garance, l’après-midi, au Club Mickey, Yvonne était l’unique obsession de Jean, comme elle obsédait tous les hommes de son entourage : Paul, son mari lunaire et caustique, Tom, son amant ex pilote de l’US Air Force, et une petite cour mêlant mondains, artistes et intellectuels. Trente-cinq ans plus tard, son obsession est identique. A chaque lieu revisité – une villa baptisée « la Colline », des dunes, un casino, le camping où lui, le fils de prolo, passait ses vacances – , Yvonne surgit avec la beauté détachée et un brin perverse des mannequins des années 70 : « Sur la plage, quand elle lisait Truman Capote, Fitzgerald et Graham Greene, elle portait un chemisier transparent, un bikini noir et des chaussures de tennis sans lacets. La pointe de son pied dessinait des cercles par terre. Eclaboussée de blondeur, elle restait ainsi. Pleine de mélancolie et de ferveur. Insaisissable et fulgurante. »
Tandis que Jean s’oublie dans le souvenir d’Yvonne – l’art qu’elle avait de mener son monde à la baguette de son charme-, Garance demande un baiser comme autrefois. Elle lui en veut de préférer sa mère. Elle en veut aussi à sa mère de lui avoir préféré les hommes. Elle s’attache à rectifier son portrait : « Ici, à Cabourg, dans ce paradis perdu qui avait été sa vie, son enfance, sa jeunesse, elle paraissait être à la recherche des mots les plus durs pour qualifier les sentiments les plus doux. »
Jean sait qu’Yvonne a semé la mort autour d’elle, mais il s’en moque. Sous la plume de Cérésa, l’héroïne de ses plus tendres saisons incarne un monde d’avant qui tire, avec style, ses ultimes cartouches, un monde où de jeunes femmes frivoles, parées d’un bikini blanc à pois rouges, pouvaient écrire un roman titré Trois jours en juin – salué par Jean Cau et Pascal Jardin- et où le jardin d’une villa en bord de mer était appelé : Les moustaches de Staline.
François Cérésa, Les moustaches de Staline, Fayard, 258 pages, 2008.
Article paru dans L'Opinion indépendante, le 05/09/2008