vendredi 30 octobre 2009

Christian Authier parle de "Tous mes amis" et de Paul Gégauff


"Scénariste mythique de Claude Chabrol et dandy provocateur, Paul Gégauff, assassiné par sa compagne dans la nuit du 24 au 25 décembre 1983 et récemment ressuscité dans le remarquable Les Insoumis d’Eric Neuhoff, fut également écrivain. Il publia ainsi entre 1951 et 1958 quatre romans aux éditions de Minuit avant de se consacrer uniquement au cinéma. Seul écart à son activité (débordante) de scénariste : un recueil de nouvelles édité en 1969 chez Julliard. Quarante ans après, revoilà Tous mes amis exhumé sous la houlette d’Arnaud Le Guern dans la collection «Les Inclassables». On y découvre sept nouvelles dont le climat baigne dans le fantastique ou l’onirique et où l’absurde a son mot à dire ("Tous mes amis" qui ouvre le recueil, "Club 68"). Dans "Bob Byrrh", Gégauff s’amuse avec le name-dropping, fait un détour par le conte moral ("Des roses à la pelle") ou imagine un voyage oriental du côté de la secte des Assassins. L’art du dialogue de l’auteur s’invite à travers quelques jolis aphorismes («Quoi qu’on fasse, on en revient à l’argent. Quand on en a besoin, il fait défaut. Quand il est là, c’est pour nous encombrer.»), mais le charme de Tous mes amis réside plus encore dans le ton fragile, un peu bancal de ces histoires sur le fil du rasoir. On y entend la voix d’un homme pour qui la vie était une fête, parfois macabre. Il pourrait sembler trop facile de relier la disparition tragique de Gégauff, qui ressemble à une mauvaise farce, à ces nouvelles noires et ironiques sur lesquelles la mort rôde. Pourtant, tout était là…"
Christian Authier, L'Opinion indépendante, le 30/11

mercredi 14 octobre 2009

Gégauff encore - Tous mes amis ...


« Ils étaient tous là, sans exception, mêlant leurs ovations aux reproches, me traitant de lâcheur, m’accusant de cacher une petite amie, rigolant la bouche pleine.
Mes vieux, mes chers amis qui me mettaient du baume au cœur, qui étaient ma joie, ma raison d’être ! Oh ! Mes amis !
J’eus honte de mes terreurs, je les oubliai en m’installant, entre Sophie et Christian, devant une aiguillette de canard à la purée de navets.
J’étais bien, il y avait des semaines que je ne m’étais pas senti aussi bien. Christian ponctuait de bourrades sur mon épaule un discours que je n’écoutais pas.
Je souriais. »