lundi 6 septembre 2010

La haine des plages







Connaissez-vous José Pierre ?
Ami des surréalistes, poète, essayiste, il est l’auteur d’un dictionnaire de poche du pop art et de nombreux romans – notamment Qu’est-ce que Thérèse ? C’est les marronniers en fleurs, salué par Mandiargues et Truffaut – où les sens sont à la fête. Frédéric Schiffter parle de lui dans ses Délectations moroses.
Le “philosophe sans qualité” nous apprend que les jolies lycéennes, auxquelles il enseigne la pensée de Clément Rosset et les mélodies mélancoliques de Françoise Sagan, aiment beaucoup La haine des plages, roman publié par José Pierre en 1980, roman qu’elles lisent et relisent sous la couette les nuits d’hiver ou, les jours d’été, parées d’un maillot de bain blanc et chaussées d’espadrilles, en terrasse d’un bistrot avec vue sur mer.
Les jolies lycéennes de Schiffter ont un goût exquis – ne doutons pas qu’elles apprécient également Le Professeur de Valerio Zurlini avec Alain Delon et la féerique Sonia Petrova. Les jolies lycéennes sont une incitation à se perdre entre les pages de José Pierre qui, en exergue, cite Francis Jammes : “Veux-tu faire se pencher vers moi comme des roses toutes les bouches de toutes les jeunes filles ?”
Un amour d’été
Nous sommes à Biarritz, un mois de juillet de la fin des années 70. Un critique d’art cinquantenaire, séducteur d’avant l’ère des boîtes à partouze, est l’amant d’une artiste photographe et tombe amoureux de sa fille de 13 ans. Avec une élégance qui fait penser au Dominique Noguez d’Amour noir, José Pierre raconte cette histoire de passion et de petite mort lente. “A mes propres yeux, ce n’est pas le moindre mystère de mon comportement amoureux que cette propension que j’ai à me trouver au même moment sensible à plusieurs femmes, même si de l’une d’elles en particulier je suis profondément épris. Un moraliste dirait que chez moi le roucouleur n’est jamais très loin du libertin ; un historien des moeurs et de la littérature que le Romantique coexiste fort bien dans mon coeur avec l’homme du XVIIIe siècle – et Werther avec Valmont !”
Dans La haine des plages, Pierre laisse la parole à la douceur et aux drames d’une saison sous les caresses. Il y a des jeux érotiques qui excitent, puis qui lassent. Il y a un film vu un soir de pluie, avec Michel Piccoli comme acteur principal. Il y a une mère qui flirte avec la jalousie. Il y a certains plaisirs du corps comme ultime résistance, déjà, à un monde de légèreté qui se meurt. Il y a surtout Cathy à la plage, sur la Côte des Basques ou sur le Rocher de la Vierge : son visage “presque en amande”, ses cheveux “d’un chatain très léger, qui lui faisait comme un nuage alentour de la tête”, ses “yeux d’un bleu tirant aux confins du gris”, ses lèvres tarmac des baisers insensés, ses épaules délicatement arrondies, ses seins de nymphette sous le bikini ou en liberté, ses jambes longues et bronzées et son art de fumer, avec l’innocence sensuelle d’une héroïne de Tom Wesselman, des cigarettes blondes.
Peut-on aimer une jeune fille ? Notre époque de procureurs ennemis de la peau et des mots répond par des procès et des listes noires. Nabokov, avec Lolita, a répondu “oui”; Gabriel Matzneff - relire Ivre du vin perdu ! - également; José Pierre et les jolies lycéennes de Schiffter aussi.
La haine des plages ancre dans le coeur de chacun, de chacune, le sourire de Cathy avant, pendant, après l’amour et la nostalgie des étés de notre éducation sentimentale.
José Pierre, La haine des plages, éditions Gallilée, 1980
Papier paru sur Causeur.fr, été 2010

2 commentaires:

Arnaud Le Guern a dit…

Bien sûr, Valérie Kaprisky. Et puis Caroline Cellier aussi. Souvenirs aussi de Marushka Detmers dans Le diable au corps. Et Béatrice Dalle apparaissant dans 37°2 le matin. Et Vanessa filmée par Brisseau. Bien sûr nous en reparlerons. Ce n'était pas si mal, finalement, les années 80 ...

persona non gratta a dit…

Et le Mort à Venise de Visconti ?