vendredi 25 février 2011

Vienne #2 - Le fantôme d'Altenberg

Le Baedeker pour flâner dans la ville de Freud et du Troisième homme, c'est Retour à Vienne de Roland Jaccard - illustré par Romain Slocombe.
Dans un carnet, je note quelques phrases :
"Une nouvelle aristocratie prenait le pouvoir : celle des jolies jambes, des silhouettes élancées."
"Auriez-vous l'obligeance de m'indiquer le chemin de l'enfer ?"
"Nous ne cessons de nous jouer nous-même."
A Vienne, cette impression retrouvée d'être un espion heureux et fatigué dans une ville post-guerre.
A mon bras : la plus belle des apparitions.
Les si jolies jambes, la silhouette élancée, c'est elle.
Sensualité au coeur de l'hiver, des bonnets de laine, des nostalgiques du "talentueux Adolf" :
"Les Autrichiens ont réussi à faire croire au monde entier que Mozart était autrichien et que Hitler était allemand."
Au Café Griensteidl, Karl Kraus s'emporte contre le manque d'élégance de quelques ectoplasmes des deux sexes. Thomas Bernhard en rajoute. Frantz Wittels cherche une jeune fille qui ne viendra pas. Louise Brooks passe. Mélanie Klein, Alma Malher et Irma K. aussi.
Dans les librairies, le visage sublimement triste de Natascha Kampusch.
Une question, alors que les visages de Beigbeder - Un roman français - et de Houellebecq - Interventions II - se détachent des piles : que fais, à cette heure de l'après-midi, Natascha ?Au dos du livre de Beigbeder, une citation d'un certain Jean-Marc Parisisi : éclat de rire en imaginant la tête de Jean-Marc confondu en plus, pour le coup, avec Yann Moix.
Sur Herrengasse, au numéro 14, Peter Altenberg s'est fait porter pâle. Cette queue devant le Café Central est, il est vrai, effrayante.
De retour au Radison Blue Palais, c'est avec le fantôme d'Altenberg que nous fumerons une cigarette, volutes légères effleurant la peau nue.

Frédéric Berthet dixit

"Charlie, le dandysme consiste à se placer du point de vue de la femme de ménage qui découvrira le cadavre, au matin."

mardi 22 février 2011

Vienne # 1 - Le salut de Mel Ramos

A Vienne, le temps d'un long ouiquende offert par ma douce, au plus près d'elle, j'ai croisé Mel Ramos.
C'était dans une galerie du palais Albertina, sur Albertinaplatz.
Il m'a demandé quand j'étais né.

_ 1976

Mel a souri.

_ La fin du monde d'avant ... C'est l'année de ma série You get more salami with Modigliani.

Il n'y avait, dans la galerie, que Mel, ma douce et moi.
Le reste du monde préférait s'entasser dans la salle abritant quelques Liechtenstein. Pourquoi pas, mais plus tard.
Mel ne quittait pas des yeux ma douce.
Sur son carnet, il a esquissé ses boucles brunes, son visage si beau et mélancolique de flâneuse viennoise, la grâce de son cou, ses seins imaginés, son cul né pour l'amour le matin, l'après-midi, autour de minuit, ses jambes d'afolleuse de tous les compas.

_ Ce sera ma dernière drawing lesson.

Avant de fuguer, il nous a présenté ses petites amoureuses de toujours.
Monterey Jackie
Lucky Lulu Blonde
Della Monty
Lolita
AC Annie
et miss Tobacco Red Vantage.
Il a embrassé ma douce, lui offrant son esquisse d'elle, m'a serré la main.

_ Il faut continuer, camarade. La dolce vita, l'amour fou, les petits luxes, le sexe, le plaisir, la peau à la caresse, les lèvres effleurées, la quête du soleil et des terrasses, les volutes de fumée, les bars d'hôtel, la clandestinité aux yeux de l'immonde. Et salue pour moi, au nom de l'Internationale communiste, balnéaire et sexy, les camarades Leroy, Schiffter et Jaccard.

Ramos enfui, Liechtenstein attendra le lendemain. Les envies nous appellent du côté du Radison Blue Palais, chambre 122.

samedi 12 février 2011

Bernard Frank dixit

Entre quatorze et vingt ans, je me suis bricolé une existence avec des mots. L'enfance est un piège. S'il n'y avait pas l'enfance, personne n'accepterait de vivre. De mener une vie de con qu'est cette vie d'homme. Ce qu'on appelle les troubles de l'adolescence, c'est pourtant simple. Il y a de quoi être troublé quand on s'aperçoit qu'on va passer sa vie à travailler avec, pour seul salaire, la mort au bout.

mercredi 9 février 2011

Tu ressembles aux vacances


Dans Slogan, film de 1969, Gainsbourg dit à Jane Birkin, érotique comme elle l'est dans Blow up, dans La piscine :

_ Tu ressembles aux vacances.

Des mots signés Pierre Grimblat, réalisateur, scénariste, créateur de Navarro et autres merderies faciles siglées TF1, mais aussi à l'origine des fictions Série noire dans les années 80, vieil homme indigne couvert de femmes, ami de Jacques Laurent et de Jean-Patrick Manchette, jeune romancier de 88 ans qui, fin 2010, a publié un premier roman - Me faire ça à moi ! - drôlatiquement raté, léger, snob, délicieux, piquant, paresseux, dandy à mort.

mardi 8 février 2011

L'art érotique du plaisir à l'heure où la pleine lune a du plomb dans l'aile


A l'arrière d'un bus scolaire, le surveillant d'un établissement de Meaux boit du mauvais champagne. Entouré de quelques lycéennes grisées par l'alcool, il se prend pour un foutboleur français ou pour Patrick Balkany :

_ Eh les meufs ! On joue à Action ou vérité ?

Une jeune fille, répondant mal à une question, se voit indiquer son gage par le surveillant :

_ Tu me tailles une pipe !

A l'arrière du bus, la jeune fille s'exécute devant ses amies.
Quelques corniauds, le DRH crétin de l'Education national Luc Chatel en tête, diront que le surveillant est un salaud profiteur et que la jeune fille est une dévergondée. Les parents d'élèves joueront leur rôle de parents d'élèves et n'auront pas à demander l'aide d'une cellule psychologique déjà en place. Le proviseur aura peur pour son poste. Les flics rigoleront grassement avec le surveillant. La jeune fille souffrira, longtemps, des regards posés sur elle.
On en est là ?
Tristement, oui.
A l'arrière du bus, l'érotisme classieux s'est pris une balle pleine tête. La séduction et la sensualité aussi.
A l'arrière du bus, la réalité ressemblait à une vidéo crade amateur du ouèbe, un truc "Gonzo porno" loin du style tonitruant de Hunter Thompson, titrée genre : "Saoule elle se fait sodomiser" ou "Pétasse ivre suçant une bite".
A l'arrière du bus, un mec s'est vu comme le hardeur des cours de récré et une jeune fille a cru ce qu'on lui répète, de plus en plus, partout : la jeune fille désirable est une pute comme une autre qui, si elle n'est pas d'accord, n'est bonne qu'à rester chez elle ou à cacher ses seins qu'on ne saurait voir.
A l'arrière du bus, le désir n'était plus que le reliquat de la loi de l'offre et de la demande, loi qui n'est plus celle du plus fort uniquement, mais surtout celle du plus dégueulasse.
Il existe mille lieux pour offrir du plaisir à une jeune fille, pour en recevoir, pour goûter tout de sa grâce.
Lire Roger Vailland. Lire Roland Jaccard. Lire Gabriel Matzneff. Lire José Pierre. Tant d'autres encore que Luc Chatel ne connaîtra jamais, lui qui, à chacun de ses mots, enterre un peu plus toute éducation - artistique, philosophique, sentimentale, sexuelle.
Lire et voir, revoir, plutôt que les vidéos crades du ouèbe, les films de Rohmer, obsédé élégant.
Pauline à la plage. Ou Les nuits de la pleine lune, avec cette exquise et éternelle jeune fille qu'était Pascale Ogier.
"Les nuits de la pleine lune", c'est autre chose que "les nuits à l'arrière du bus".
Chez Rohmer, la langue n'est pas qu'une histoire de pipe. La langue française caresse, légère et profonde. La langue trace les frissons de la séduction. La langue française met l'eau à la bouche du désir. La langue incite alors aux débauches les plus belles, mots et peaux mêlés.
Message à Luc Chatel :
Laissez tomber la suppression des allocations familiales, l'apprentissage de l'anglais dès 3 ans, le renforcement des maths et des sciences, les coupes brutales dans les effectifs : imposez, dans chaque collège, dans chaque lycée, des heures afin que les surveillants et les jeunes filles puissent découvrir les films de celui que Gégauff appelait "le grand Momo".

mercredi 2 février 2011

Claude François présente ...



Cloclo, le chanteur de l'amour qui s'en va et qui revient, était un obsédé.
Des jeunes filles.
De la peau à l'assaut des sens, à la caresse.
Les tenues très kitsch et minimalistes des Claudettes ont d'ailleurs oeuvré comme il fallait pour parfaire l'éducation sentimentale et sexuelle des jeunes gens dans la France de Giscard. C'était autre chose, quand même, que les explications bégayantes de la bonne femme qui enseignait la biologie et ça se mariait à merveille avec la lecture de Flaubert et de Lui.
Les jeunes filles, toujours les jeunes filles, les héroïnes, c'était le lundi au soleil de Cloclo - chanson à la légèreté si délicate, signée Patrick Juvet.

Au milieu des années 70, lassé des yéyés, de Salut les copains, de Podium, Cloclo s'offre Absolu.
Sous-titré : Le magazine français de la sexualité.
Dans le numéro 1, Jacques Laurent lâche quelques mots.
Les lèvres, rougies de désir, inspirent.
Les culs, où se perdre, aussi.
Et BB.
BB : les initiales de la grâce.