mardi 8 février 2011

L'art érotique du plaisir à l'heure où la pleine lune a du plomb dans l'aile


A l'arrière d'un bus scolaire, le surveillant d'un établissement de Meaux boit du mauvais champagne. Entouré de quelques lycéennes grisées par l'alcool, il se prend pour un foutboleur français ou pour Patrick Balkany :

_ Eh les meufs ! On joue à Action ou vérité ?

Une jeune fille, répondant mal à une question, se voit indiquer son gage par le surveillant :

_ Tu me tailles une pipe !

A l'arrière du bus, la jeune fille s'exécute devant ses amies.
Quelques corniauds, le DRH crétin de l'Education national Luc Chatel en tête, diront que le surveillant est un salaud profiteur et que la jeune fille est une dévergondée. Les parents d'élèves joueront leur rôle de parents d'élèves et n'auront pas à demander l'aide d'une cellule psychologique déjà en place. Le proviseur aura peur pour son poste. Les flics rigoleront grassement avec le surveillant. La jeune fille souffrira, longtemps, des regards posés sur elle.
On en est là ?
Tristement, oui.
A l'arrière du bus, l'érotisme classieux s'est pris une balle pleine tête. La séduction et la sensualité aussi.
A l'arrière du bus, la réalité ressemblait à une vidéo crade amateur du ouèbe, un truc "Gonzo porno" loin du style tonitruant de Hunter Thompson, titrée genre : "Saoule elle se fait sodomiser" ou "Pétasse ivre suçant une bite".
A l'arrière du bus, un mec s'est vu comme le hardeur des cours de récré et une jeune fille a cru ce qu'on lui répète, de plus en plus, partout : la jeune fille désirable est une pute comme une autre qui, si elle n'est pas d'accord, n'est bonne qu'à rester chez elle ou à cacher ses seins qu'on ne saurait voir.
A l'arrière du bus, le désir n'était plus que le reliquat de la loi de l'offre et de la demande, loi qui n'est plus celle du plus fort uniquement, mais surtout celle du plus dégueulasse.
Il existe mille lieux pour offrir du plaisir à une jeune fille, pour en recevoir, pour goûter tout de sa grâce.
Lire Roger Vailland. Lire Roland Jaccard. Lire Gabriel Matzneff. Lire José Pierre. Tant d'autres encore que Luc Chatel ne connaîtra jamais, lui qui, à chacun de ses mots, enterre un peu plus toute éducation - artistique, philosophique, sentimentale, sexuelle.
Lire et voir, revoir, plutôt que les vidéos crades du ouèbe, les films de Rohmer, obsédé élégant.
Pauline à la plage. Ou Les nuits de la pleine lune, avec cette exquise et éternelle jeune fille qu'était Pascale Ogier.
"Les nuits de la pleine lune", c'est autre chose que "les nuits à l'arrière du bus".
Chez Rohmer, la langue n'est pas qu'une histoire de pipe. La langue française caresse, légère et profonde. La langue trace les frissons de la séduction. La langue française met l'eau à la bouche du désir. La langue incite alors aux débauches les plus belles, mots et peaux mêlés.
Message à Luc Chatel :
Laissez tomber la suppression des allocations familiales, l'apprentissage de l'anglais dès 3 ans, le renforcement des maths et des sciences, les coupes brutales dans les effectifs : imposez, dans chaque collège, dans chaque lycée, des heures afin que les surveillants et les jeunes filles puissent découvrir les films de celui que Gégauff appelait "le grand Momo".

2 commentaires:

Jérôme Leroy a dit…

Pur produit de l'époque, ce mec. Bien vu et joli texte.

Arnaud Le Guern a dit…

Le communisme sexy et balnéaire vaincra, cher Jérôme, avec à son programme, une éducation sentimentale qui ressemble à un été violent, à la dolce vita loin, très loin, de l'arrière des bus et des action/vérité.