jeudi 29 décembre 2011

Les Maris, Les Femmes, Les Amants



C'est un été de la fin des années 1980, à Paris et sur l'île de Ré.
Charme du film d'été : la plage, les pique-niques sur le sable, les bouteilles de vin débouchées, les rires, les larmes, le soufre au coeur des adultes, les cris des enfants.
Jean-François Stévenin n'arrive pas à écrire, Guy Marchand est cocu, Daniel Ceccaldi n'imagine pas que sa femme peut le tromper avec le fils de son meilleur ami.
Les baby-sitters sont de jolies blondes nommées Annette. Elles embrassent les messieurs sur des bateaux à quai, pleurent quand débarque l'épouse.
Catherine Jacob est très drôle. Elle se méfie des secrétaires Auvergnates, ne voit pas le danger que représente une jeune liane du Sénégal.
Paolo Conte chante Via con me.
Tout ça, filmé par Pascal Thomas et scénarisé par François Caviglioli, est une merveille de légèreté et de mélancolie qui, très lentement, infuse.

mercredi 28 décembre 2011

Matthieu de Boisséson échappe aux tueurs


Notre camarade Leroy en a parlé très bien dans Causeur (http://www.causeur.fr/l%E2%80%99art-de-la-fugue,14231) et sur son blogue : http://feusurlequartiergeneral.blogspot.com/2011/12/echapper-aux-tueurs.html.
Frédéric Beigbeder l'a fait dans Le Figaro Magazine : http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2011/11/19/01006-20111119ARTFIG00577-echapper-aux-ploucs.php.
Echapper aux tueurs est de ces livres rares et précieux à lire et à relire, lors d'un voyage en train par exemple, alors que défilent les paysages d'hiver, de la fin de la terre jusqu'à Paris.
A lire, à relire, en soulignant fusées et fulgurances, profondes et légères :
S'inquiétant de mon état morose, mon ami JL, qui travaille dans la mode, m'annonce la venue chez moi, pour une fashion week, de quatre mannequins de nationalités diverses. Je pense qu'il plaisante. Un soir, je les retrouve toutes les quatre à m'attendre sous le porche, avec de nombreux bagages. Elles devaient rester une semaine. Elles resteront trois mois.”
Leur beauté est une étrangère : ce sont des êtres venus d'ailleurs, qui vont étonner tout l'immeuble en montant et descendant les escaliers.”
Quand elles furent parties (mais certaines allaient revenir), je découvris qu'elles m'avaient soigné. J'avais été leur hôte.”
Il faut dire aussi que la beauté est une menace, ce que savent les nymphes et les déesses.”
Marie, qui a 19 ans, semble entourée d'un halo de brume.”

Les correspondances, les voyages impossibles, celui qui reste et celui qui part, celui qui part trop tard, tout cela procède d'un mouvement émerveillé."

"En lisant, nous nous apercevons que nous chuchotons parfois avec des femmes, vivantes ou mortes, souvent oubliées, qui ont aimé avec un élan qui nous touche – parfois nous accable – par sa pureté. Certaines appartiennent au cercle des Délaissées dont parlait Rilke. Dans ce qu'elles disent souffle le vent d'une navigation sans retour.”


Nager dans les îles d'Angra dos Reis, avec les montagnes aux alentours. L'eau est à la fois pure et limoneuse. On plonge et, quand on a la tête dans l'eau, on ne voit pas le sable. Paraissent émerger de la mer les chevelures savamment désordonnées des îles, la texture serrée de leurs boucles dans lesquelles, le soir, tombent les étoiles tandis que les oiseaux se taisent.”

Les voyages brefs, que mon travail m'a parfois amené à faire, sont de brusques intermèdes, comme une irruption d'images, qui ont parfois la force de décharges électriques.”

Il faudrait que quelque chose se passe, que je m'éveille, que je marche au hasard la nuit dans une rue sidérée, que je parte à l'aveugle vers la fête du bouquet, vers les voix fraîches, à l'heure où les premiers soupirs se font entendre derrière des volets clos, et où la montagne va entrer par la fenêtre.”

Dans tout vêtement, il y a un tonique ressentiment.”

Peu avant sa mort, elle réclama simultanément l'extrême-onction et une robe pour l'été.”

Dans les rues soufflent des vents coulis glacés”

Echappe aux tueurs, laisse moi m'occuper de tes
regrets mécaniques”

lundi 19 décembre 2011

Quelques jours ...


On part fin de la terre quelques jours.
L'écume, l'océan, le vent violent.
On espère avoir, là-bas, de bonnes nouvelles de Docteur Popaul.
On emporte Mufle d'Eric Neuhoff, roman court, classieux, chic et d'un désespoir très tenu, comme nous les aimons. Echapper aux tueurs - beau titre, belle langue - de Matthieu de Boisséson. Des dévédés aussi, de ceux qui ne sont pas à la mode. Des films de Sautet, écrits par Claude Néron, par exemple.
Et, parce que miss K nous manque déjà, en attendant les peaux mêlées, quelques mots trafiqués de Pierre de Régnier :

"J'ai mangé de l'Amor Amor  tout autour de ta bouche
Et j'ai bu la luxure au fonds de tes yeux noirs ;
Et j'ai pu respirer, volupté qui embaume,
Le bruit délicieux que font les bottes effilées
Dans la clarté propre et sonore des couloirs.
"

samedi 17 décembre 2011

La loi des séries


Les frères Lumière ont inventé la télévision, et non le cinéma. C'est Louis Skorecki qui le dit. Plume injuste et brillante, Skorecki ne va plus dans les salles obscures. Le 7e art est mort avec Rio Bravo et les cinéphiles se comportent comme des bâfreurs de blanquette de veau. Les films, il les regarde sur petit écran. Il en parlait dans des articles qu'a longtemps publié Libération et qu'a édité, en recueils, l'ami Roland Jaccard dans sa collection “Perspectives critiques” aux PUF : Raoul Walsh et moi, Les violons ont toujours raison, Conversations avec Serge Daney.
Dans Sur la télévision, Skorecki adresse une belle déclaration d'amour à cette étrange lucarne sur le monde. S'il n'oublie ni Mad men ni Dr. House, ce descendant avoué de Sherlock Holmes, il nous replonge dans un temps, de l'ORTF à feu la Cinq de Berlusconi, bien avant la multiplication des chaînes sur le cable, où les surprises étaient permanentes.
La vie sur petit écran
Jean-Christophe Averty avait un grain de folie nous faisant toucher du doigt Dalida : “Je filme tout ou rien, merde.” Les crimes étaient résolus dans les Cinq dernières minutes. Simenon trouvait que Jean Richard, comédien massif, incarnait un parfait commissaire Maigret. Les garçons hésitaient entre Emma Peel et Tara King, se pendaient finalement aux jambes à la longueur érotique d'Emma. Le lieutenant Columbo roulait en Peugeot 403. La petite maison dans la prairie renseignait sur le puritanisme des Pères fondateurs américains et Le prisonnier, sur les moeurs de Big brother. Bill Cosby était un acteur de jazz, papa d'Obama. Thomas Magnum cachait derrière sa moustache les traumatismes de la guerre du Viet-nam. MacGyver, entre Reagan et Gromyko, préfigurait le bobo écolo à canif électeur d'Europe Ecologie-Les Verts.
Une nouvelle politique des auteurs
Dans ses textes, Skorecki a des fulgurances qui ravissent : “Baretta et Pasolini, c'est du pareil au même : cinéma louche, télé trouble, familles perdues.” On voit où il veut nous amener. Si les visages, les musiques et les mots portés par les séries TV s'impriment dans les mémoires, créant nos modernes mythologies, c'est que les histoires sont écrites. Parfois à la va-vite, souvent avec style, toujours avec efficacité. Grâce aux séries, les écrivains ont signé leur retour sur l'écran, passant à tabac la “politique des auteurs” chère à François Truffaut – une fiction appartient à son réalisateur, point final.
Steven Bochco nous fait découvrir les rues de New-York, et ceux qui les peuplent, dans NYPD Blues. Chris Carter révèle nos angoisses paranormales dans X-files. Edward E. Kelley s'amuse des fantasmes d'Ally Mc Beal et donne au Capitaine Kirk de Star Trek, William Shatner, son plus beau rôle : Denny Crane dans Boston Justice, un avocat fêlé de droite amateur de cigares et de ouisquie dissertant, sur la terrasse de son cabinet, du harcèlement sexuel, des armes à feu et des SDF avec son meilleur ami démocrate. Même Jean-Luc Azoulay, le créateur d'Hélène et les garçons et de ses suites, peut être présenté comme un héritier décomplexé d'Eric Rohmer : des jeunes filles légèrement vêtues badinent avec des garçons qui ne pensent qu'à la embrasser, et plus si affinités.
Pour comprendre que les séries sont nos madeleines du jour, il faut lire Skorecki et, dans le même temps, le Dictionnaire des séries de Nils C. Ahl et Benjamin Fau. Sur plus de 1000 pages, rien ne manque. Les notices sont précises, élégamment rédigées, méchantes à l'occasion. A propos d'une vieillerie californienne et balnéaire : “Si l'on veut du mal à quelqu'un, on peut lui diffuser en boucle le générique de la première saison: cela achève même les chevaux.” Du bel ouvrage qui donne envie d'errer dans Baltimore en regardant The wire, de se saouler avec Hank Moody dans Californication et, même, de courir sur une plage de Malibu derrière quelques naïades en maillot de bain rouge.

Louis Skorecki, Sur la télévision, Capricci, 2011
Nils C. Ahl, Benjamin Fau (dir.), Dictionnaire des séries télévisées, Philippe Rey, 2011
Article paru sur Causeur.fr, le 17/12/2011

mercredi 14 décembre 2011

Comme un feu follet



Il y a des jours où l'on se sent dans un film en noir et blanc de Louis Malle.
La musique est de Satie.
Maurice Ronet passe, perd ses mots.
Souffle court, usé.

dimanche 11 décembre 2011

Limonov vous conseille Marignac


Edouard Limonov, en cette fin d'année 2011, est partout. Un livre sympathique d'Emmanuel Carrère lui a offert le prix Renaudot par procuration. Chaque journal français publie une interview, forcément exclusive, de lui. Il vient d'annoncer sa candidature à la prochaine élection présidentielle russe.
Depuis Moscou, Limonov nous envoie également une carte postale, imprimée sur le bandeau de couverture du nouveau roman de Thierry Marignac : “Je connais Thierry Marignac depuis trente et un ans. C'est un type vraiment noir : sévère et terrible, sans tendresse. Vagabond incorrigible, voici un nouvel épisode de son parcours sur terre. Il faut le lire.
Limonov a raison : il faut lire Marignac, en commençant par Milieu hostile, ultime station – ténébreuse et rouge sang - de son “cycle russe”.
Un orfèvre des bas-fonds
Dès les premières lignes, sous le soleil d'été de la République d'Ukraine, on retrouve l'Est comme berceau et décombres d'une civilisation mal en point. De ce point de mélancolie de sa géographie intime, Marignac fit la mèche à combustion de Cargaison, publié en 1992 par Jean-Paul Bertrand. Il propagea l'incendie dans Milana - nom d'une héroïne froide en caraco et pantalon de treillis -, dans Fuyards et dans le crépusculaire A quai.
Dans Milieu hostile, on retrouve surtout Dessaignes, le héros cabossé de Renegade boxing club, Série noire parue en 2009 : “ex-facilitateur ONG en Russie, ex-traducteur juridique aux Etats-Unis, un intérimaire cosmopolite, demi-solde d'une caste inférieure d'employés internationaux – roulant au gré des chocs de l'existence comme une boule de billard jouée à plusieurs bandes, sur la planète.
A Kiev ou à Vilnius, en passant par Paris, Dessaignes explore les bas-fonds des villes et les hautes sphères de l'économie. Il connaît les deux : les trafics servent de passerelle et de gagne-misère, grande ou petite. Manière de “Bad lieutenant”, il est au coeur de la grande machine à broyer des êtres en état de décomposition avancée et tente de sauver sa peau. Sous son oeil fatigué, la beauté de “l'âme russe” prend des coups, met un genou à terre, se relève sonnée. L'alcool coule à flots, castagne les cerveaux. L'orange des révolutions pourrit. Les communistes reprennent en main leurs affaires. Des hordes de motards, “Les loups de la nuit”, paradent en l'honneur de Poutine. Des rejetons de la vieille aristocratie française croisent des gangs albanais et des Africains. Les infirmières ne pansent pas que des plaies et les amis sont troubles. On s'accroche à des sac de billets. Tout ça risque de mal finir.
La guerre lasse d'un styliste
Limonov a encore raison : Marignac est sévère et terrible, sans tendresse. Dans ses textes, il cite Céline, de Roux, Mishima, Rigaut et Norman Mailer - auquel il a consacré un essai. Les poètes russes aussi : Natalia Medvedeva et Sergueï Tchoudakov. Par ailleurs boxeur et traducteur, Marignac est un romancier écorché, à vif, la plaque sensible d'une époque qu'il recrache avec furie. Ca ne date pas d'aujourd'hui. En 1988, son premier roman Fasciste fit l’effet d’un uppercut de Tyson au menton d’une France estampillée «Touche pas à mon pote». L’histoire d’un jeune homme qui se jette dans le chaudron du nationalisme politique le plus dur et se consume pour «Irène, jeune, mince, poignante, blonde surtout, blonde comme il est noble d’être blonde».
Fasciste est un roman qu'il serait urgent de rééditer. En attendant, black-listé par un quarteron de pieds-pensants, Marignac continue à mettre sa peau sur la table, dans ce milieu hostile dont il s'extrait par la froideur étrincelante, celle d'une lame, de son style.

Thierry Marignac, Milieu hostile, Baleine, 2011
Papier paru sur Causeur.fr, le 11/12/2011

lundi 5 décembre 2011

Patrick Besson devant les cochons (et les cochonnes)


Comme chaque semaine, Patrick Besson a écrit, dans le Point, une chronique stylée, drôle, légère et profonde. Il imagine le discours d'Eva Joly, devenue Présidente de la République. Et le retranscrit.
C'est parfait, la voix de la dame de ferme sonne, on l'entend comme on l'a trop entendu ces derniers temps.
Les lecteurs ont hurlé de rire. Sauf une poignée de crétins, cochons et cochonnes de la langue française. Pour faire passer leurs hoquets dégueulasses, ils ont trouvé un truc : Patrick Besson serait raciste, xénophobe, criminel, j'en oublie.
Nommons les cochons et les cochonnes :
Cécile Duflot, bonniche de la secte coule EELV
Noël Mamère, gigolo moustachu des micros tendus
François Delapierre, canif de rechange du Front de gauche
Eva Joly elle-même.
Avec Patrick Besson - qui est sans doute beaucoup de choses, mais ni raciste ni xénophobe -, nous leur disons : "Zalut la Vranze !"