mercredi 11 avril 2012

Hank Moody Blues


Un matin d’avril, la tête encore dans les saveurs infinies des vins bus la veille au Jeu de quilles avec miss K et un ami poète du monde d’avant, tu as envie de t’évader des rues de Paris, envie d’une ville de province, de soleil et de bords de mer. Tu pourrais fuguer quelques jours au Flaubert à Trouville, par exemple. Tu peux aussi regarder des épisodes de Californication et laisser infuser cette sensation de paresser sur une plage de Malibu.
Un matin d’avril, pour fuir le ciel trop gris, ton plaisir est une cavale sur la côte ouest américaine, par la grâce d’une série bukowskienne, hilarante et mélancolique dont le héros, clin d'oeil au grand Chinaski, est écrivain et s'appelle Hank Moody.
Imaginé par Tom Kapinos et interprété par David Duchovny, Hank porte des lunettes noires, en élégant dégueulasse pas rasé. Il dérive dans la chaleur de Los Angeles. Il n'arrive plus à écrire, fait le nègre, griffonne sur le ouèbe. Il traîne dans les restaurants chics, les bars de nuit et les clubs de strip-tease. Il voit dans le sexe la plus exquise des fuites, entre alcool fort et farniente enfumé, avant la déroute finale. Il devient professeur pour goûter aux charmes de jolies étudiantes et de belles enseignantes avec lesquelles il couche pour ne pas avoir à inventer d'histoires. Il bâcle le scénario d’un film trash pour goûter aux charmes d’une starlette en fleur, dans une suite du Château Marmont.
Hank baise comme il boit, trop : pour oublier, pour se souvenir.
Oublier que sa femme s'en va ; se souvenir que, avant les pages blanches, il avait une sacrée papatte ; oublier que sa fille pense qu'il ne l'aime plus ; se souvenir de La fêlure de Fitzgerald ; oublier la gueule de bois des hiers et les lendemains de défaite ; se souvenir qu'il n'est pas impossible de tomber amoureux de la plus sensuelle des apparitions, qu’elle se prénomme Karen, Mia, Jackie ou Félicia.
Un matin d’avril, alors qu’un vieux spleen de Hank Moody se pointe, tu regardes Californication, les courts épisodes des quatre saisons à la suite comme tu lirais un roman rapide, drôle et triste. Daimler s'en va de Frédéric Berthet, Royal Romance de François Weyergans, La femme de Pierre de Régnier ou, autre genre, Plan social de François Marchand.

Paru dans 3 SEMAINES AVANT L'ELECTION, le 11 avril 2012

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