samedi 28 juillet 2012

Rohmer à la plage

Les vacances devraient toujours ressembler à un film d’Eric Rohmer, son Conte d’été par exemple. On débarque en bateau, un lundi de juillet, sur le port de Dinard. Pointe du Moulinet, le ciel a cette couleur qu’on ne trouve pas ailleurs, un bleu nuageux mêlé de soleil. Les maisons de maîtres, sur la corniche surplombant la mer, imposent leur style XIXe. En terrasse de la crêperie du Clair de lune, un garçon mange une glace et boit un verre de vin blanc. Sur la plage de L’Ecluse, les filles portent des maillots de bain rouge ou bleu, des lunettes noires qu’elles remontent parfois dans leurs cheveux. Elles tomberaient volontiers amoureuses d’un musicien dilettante, avec lequel elles badineraient sur le sentier des Douaniers, alors que le soir tombe, leurs sandales à la main, vêtues d’une jupe courte et d’un caraco.
Au milieu des années 90, après le Saint-Tropez de La Collectionneuse puis la Normandie de Pauline à la plage, Rohmer voulait un lieu neuf pour son Conte dédié à la plus belle des saisons. Il lui fallait des rochers, des vues profondes sur l’océan, le bruit du vent, un arrière-pays aussi : « Ce qui m’intéressait, c’était les grandes étendues à marée basse. J’aimais cette idée que les personnages soient enfermés entre la terre et la mer. » Rohmer s’est souvenu aussi des récits de son ami Paul Gégauff, l’âme damnée de la Nouvelle vague : « Tu adoreras ce coin de Bretagne: les filles sont délicieuses ; l’air du large te fouette l’esprit et les paysages sont magnifiques ! » Il avait envie surtout, lui qui aime tant les corps et les mots en liberté, de plages « vivantes » où les cœurs peuvent jouer leur petite musique, « des plages où l’on ne verrait pas le travail du cinéaste. »
Pour raconter son Conte d’été, Rohmer a donc posé sa caméra à Dinard, entre la fin du mois du juin et le début juillet 1995. Il filme longuement la plage de l’Ecluse et ses cabines d’un autre siècle. Les chemins côtiers ne sont pas encore surchargés de touristes. Une ballade emmène les flâneurs sentimentaux sur les remparts de la ville close de Saint-Malo. De jolies filles sont au rendez-vous. De retour à Dinard, sur la promenade du Clair de lune, un peu de bruine coupe la douceur des choses, mouille les bancs publics où les amants se cherchent, ne se trouvent pas. Les soirées s’achèvent à La Chaumière, une boîte de nuit de Saint-Lunaire. Avec grâce, Rohmer saisit au vif les vacances et esquisse une certaine idée de la dolce vita balnéaire, qui lui est chère.
Quand Conte d’été est diffusé, en avant-première, au cinéma Aux deux Alizés de Dinard, les spectateurs découvrent, sous le plus beau des jours, leur ville. Des habitants se reconnaissent en tenue de bain, figurants d’occasion heureux d’apparaître sur la photo. Voici donc ce que préparaient Rohmer et sa petite équipe. On les avait vus  sur la plage de L’Ecluse, avenue Yves Verney devant le bar La Croisette ou sur la route départementale 168 menant à Saint-Malo. On s’interrogeait sur le résultat en images. Il est à la hauteur des espérances, prolongeant les étés de la vie. Rohmer l’avait dit : « Chacun de mes films pourrait avoir pour titre le nom d’une ville. » Conte d’été, ainsi, se serait appelé Dinard ou Saint-Malo.

Texte paru dans le supplément d'été du Point "Dinard/Saint-Malo", juillet 2012

vendredi 27 juillet 2012

Comme une photo balnéaire de Claude Nori ...

Après la fin de la terre, les rives du Léman nous attendent.
Au programme : la plage des Mouettes, des baignades, dîner à l'Hôtel des Cygnes, les corps amoureux, Miss K en monokini, en robe d'été, en dessous chics, des livres.
Ne rien faire, c'est-à-dire retrouver les plaisirs de l'essentiel et de l'inutile, est le seul art de vivre qui nous enchante.
On a déjà parlé de nos lectures d'août : Cecil Saint-Laurent, Eric Puchner, Marisha Pessl, Nicolas d'Estiennes d'Orves, La Beauté de Frédéric Schiffter, entre autres. On voudrait rappeler, également, que Franck Maubert a écrit un récit lumineux et mélancolique, à son image : Le dernier modèle  (Mille et une nuits). Il nous parle du monde d'avant, des rues et des bars de Montparnasse et, surtout de Giacometti et de Caroline, l'ultime amour du peintre qu'il a rencontré à Nice. C'est un petit livre à lire lentement, en dilettante, sur le sable ou en terrasse ombrée. Ne pas oublier non plus que, en attendant la parution d'Un Week-end en famille de François Marchand, le livre le lus drôle et stylé du moment est signé Gilles Verdiani. Son titre : Mon métier de père (JC Lattès). Scénariste de Frédéric Beigbeder, aimant Casanova et Orson Welles, Verdiani nous offre un récit burlesque, méchant, tendre, swiftien, délicat. On a envie de souligner des phrases, au hasard des pages, de les répéter en boucle :
"Jusqu'à présent, j'ai passé avec mes enfants plus d'heures que leur mère, ce qui n'est probablement pas très courant (sauf chez les veufs, naturellement)."
"Je suis un papa poule qui aurait trouvé un couteau."
"Une femme qui ne vous aime pas, on peut s'en détourner. Une réussite qui vous fuit, on peut changer d'orientation. Mais des enfants qui ont décidé de vous pourrir la vie, ça ressemble à 20 ans de bagne incompressibles."
On a enfin très envie de lire les prochains livres de Gilles, de voir ses films.
Avant la fugue, on va laisser ici, du côté de ces braconnages, quelques papiers que nous avons écrits pour des suppléments d'été du Point. On a évoqué les Conte d'été de Rohmer, à Dinard ; Anne Parillaud et Sophie Barjac à l'Hôtel de la plage de Locquirec ; un Feu follet à Guéthary ; Sagan et Sarah Bernardt à Belle-Ile ; Mitterrand à Hossegor. On en oublie. On s'est fait plaisir. Comme lorsqu'on regarde, encore et toujours, des photos balnéaires de Claude Nori.

mardi 24 juillet 2012

Quand Frédéric Schiffter parle de Paul Gégauff, d'Une ame damnée et de la beauté balnéaire et sensuelle

Sur le blogue de haute qualité du "philosophe sans qualité" Frédéric Schiffter, le plaisir est une fête permanente.
Ces derniers temps, on pouvait y lire, notamment, une flânerie magnifique autour du voluptueux de la Révolution Hérault de Séchelles, quelques mots accompagnant la lecture, par une blonde naïade, de La Beauté, éducation esthétique de Frédéric à paraître le 13 septembre (éditions Autrement), un dynamitage de Michel Onfray ou encore une approche très dandy de François Hollande.
Et, puis, tard dans la nuit, paressant sur le ouèbe, on s'est arrêté sur une silhouette brune et bronzée, au bord de la piscine de l'Hôtel du Palais à Biarritz et on a goûté, et on goûte encore, la grâce de la photo signée Claude Nori ( http://www.claudenori.com/) et de la langue si élégante de Frédéric parlant, en observateur délicat, de la couverture de notre Gégauff, Une âme damnée.
C'est ici - http://lephilosophesansqualits.blogspot.fr/2012/07/photographie-de-claude-nori-vous-voyez.html - et c'est là :
"— Vous voyez mes pieds?
Oui.
Vous les aimez?
Oui.
Et mes chevilles ? Vous aimez mes chevilles?
Oui.
Et mes jambes. Elles vous plaisent?
Oui.
Et Arnaud Le Guern, l’obsédé amoureux de la Princesse Mimosa, de Miss K. et des actrices des séventiz, vous le connaissez ?
J’ai lu son beau roman, il y a deux ans, Du soufre au cœur.
Si vous êtes observateur, voici la couverture de son prochain livre Une âme damnée, Paul Gégauff qui paraîtra le 13 septembre prochain.
J’observe, j’observe.
Si vous traversez la piscine sous l’eau dans le sens de la longueur je vous prêterai mon exemplaire dédicacé.
Ce sera une partie de plaisir."

mercredi 18 juillet 2012

Quand Jérôme Leroy parle de Paul Gégauff, d"Une âme damnée et du 13 septembre


Parmi les premières lectures d'Une âme damnée, on a été très touché, ces jours-ci, par les mots de l'excellent Gilles Verdiani et du tonitruant vélociférateur Christian Laborde - lisons et relisons sa Diane et autres stories en short. Et puis, aujourd'hui, on lit notre ami et si précieux camarade Jérôme Leroy, homme exquis en tout des choses de la vie, qui annonce la parution de notre flânerie autour de Paul Gégauff : c'est ici (http://feusurlequartiergeneral.blogspot.fr/2012/07/arnaud-le-guern-paul-gegauff-le-match.html) et c'est repris là avec, toujours, la charmante Mimsy Farmer en illustration :
"On croyait que le syndrome lost in seventies ne concernait que les quadras avancés et nostalgiques comme votre serviteur. Il faut croire que non. Notre ami, notre précieux camarade, notre petit frère Arnaud Le Guern, né en 76, est en effet affligé de la même pathologie. Visionnages spasmodique de films de l'époque, pillage des bouquinistes, etc... Il a cristallisé tout ça dans un essai lumineux, rapide, précis, ironique, amoureux, sexy, intelligent, joyeux sur la personne de Paul Gégauff, scénariste des plus grands, notamment Chabrol et  Barbet Schroeder et écrivain remarquable qui fut le seul hussard publié aux éditions de Minuit.L'âme damnée de Le Guern est un va et vient entre son temps et celui de Gégauff. Il compare, il sourit, il caresse. Champion, va..."

L'homme qui aimait les femmes



On aime beaucoup L'homme qui aimait les femmes, le meilleur Truffaut peut-être, avec La peau douce, un Truffaut scénarisé par l'écrivain dandy et séducteur Michel Fermaud, à qui l'on doit notamment un roman léger et réjouissant : Cinq à sec. Fermaud en a fait, également, un feuilleton, dans les années 70, avec Sophie Barjac, en fugue de l'Hôtel de la plage.
On aime beaucoup, donc, L'homme qui aimait les femmes mais on préfère, dans le genre stylé et libertin, Les Femmes de Jean Aurel, scénario et dialogues de Cecil Saint-Laurent, avec Maurice Ronet et BB. On ne se lasse pas de regarder Les Femmes et, dans Une âme damnée, on a flâné quelque peu du côté de ce film :
"Les femmes, c'est l'esprit de 68 tel que l'aime Gégauff. Le disponibilisme : préférer le plaisir, la liberté, l'imprévu et l'aventure, au bonheur. Une vie où dansent les corps révélés de Tanya Lopert, Anny Dupérey et Christina Holmes. Une vie qui n'a pas besoin de révolutionnette, juste d'une dactylo particulière qui a le visage et la silhouette de BB s'offrant à Maurice Ronet, écrivain usé, dans un compartiment du Mistral, le train de luxe qui les amène à Rome, après qu'elle a tapé les premiers mots d’un roman libertin : « La semaine prochaine, je dois épouser Marianne à Saint-Moritz et Hélène à Venise. »
in Une âme damnée, Paul Gégauff, éditions Pierre-Guillaume de Roux, à paraître le 13 septembre.

dimanche 15 juillet 2012

Petite mort au Crotoy


Il semble qu'aujourd'hui, dans le Courrier picard, notre nouvelle Petite mort au Crotoy figure en belle place. C'est notre ami Philippe Lacoche, homme à fleur de peau et romancier de beau style - lire Des Sourires qui s'éteignent que nous avons édité chez L'Archipel/ Ecriture - qui nous l'a demandée. Tchin, cher Philippe.

Il n’y avait plus de chambres libres aux Tourelles.
Ca t’a énervé, et puis non finalement. C’était mieux.Trop de souvenirs aux Tourelles. C’était en juin, déjà, mais tu as oublié l’année. Il y a trois ans, peut-être, ou quatre. Mado portait la robe noire fendue que tu lui avais offerte et des escarpins qui soulignaient la grâce de ses chevilles. Elle était bronzée, depuis votre ouiquende à Trouville, quelques semaines plus tôt. Tout juste arrivés aux Tourelles, vous aviez fait l’amour, chambre 13. Vous aviez ensuite dîné d’un plateau de fruits de mer, dans la salle du restaurant, en buvant deux bouteilles de Pouilly fumé. Tu te souviens que le Pouilly était moyen. Rien à voir avec celui de Serge Dagueneau et filles que vous buviez aux Vapeurs, à Trouville. Vous aviez fini la soirée au bar de l’hôtel avec plusieurs vodka-toniques, avant de remonter, de fumer un peu d’herbe et de refaire l’amour, jusque tard dans la nuit.
Aux Ambassadeurs, tu as vue sur la plage, sur la mer. Tu entends le bruit des vagues sur le sable. A la fenêtre, une mouette vient te saluer. Après les cris d’hier, tu profites du calme. Tu es parti très vite, sans réfléchir. Ta fille était chez sa mère pour la semaine. Tu étais saoul, Mado aussi. La troisième bouteille était de trop. Elles sont toujours de trop les troisièmes bouteilles. Vous le saviez depuis longtemps. Parfois, vous ne la sortiez pas. Trop souvent, vous cédiez. Il suffisait alors d’une phrase pour que ça déraille. La phrase, généralement, c’est toi qui la prononçait. Une bêtise, la plupart du temps. Tu ne comprenais pas que Mado n’ait jamais vu Les Biches et Une partie de plaisir. Tu soutenais que les poèmes de Paul-Jean Toulet valaient mieux que tous les romans anglais qu’elle pouvait lire. Ta voix méprisante blessait Mado qui te répondait qu’elle n’en avait rien à foutre de ton élitisme de merde, que tu ne valais rien, que tout le monde se tamponnait de tes mots. Quand elle se sentait attaquée, quand elle était en colère, Mado dégainait fort. Et tu répliquais et ça ne finissait jamais. Il y avait eu des téléphones piétinés, des lunettes cassées, des ordinateurs jetés par la fenêtre, des armoires renversées, une salade de poulpes sur un canapé, tu en oublies. Tu avais honte, Mado aussi.
Hier, tu ne sais plus ce qui s’est passé. Tu te revois arrivant à la gare du Nord, retirer ton billet à une borne automatique, appeler Les Tourelles puis Les Ambassadeurs. Tu portais le costume en lin blanc cassé que Mado venait de t’offrir pour ton anniversaire. Il était froissé, mais peu importe. Mado te le disait toujours : « Le lin n’est beau que froissé. » Tu avais ta vieille sacoche avec, à l’intérieur, trois paquets de Lucky strike, ton carnet Moleskine, un feutre noir et La bourgeoise de Cecil Saint-Laurent, dans son édition de poche. Dans le compartiment du train, tu étais seul, tu as dormi. Tu t’es réveillé dix minutes avant d’arriver à Noyelles-sur-mer. A l’entrée de la gare, le numéro de la compagnie de taxi était indiqué. Tu as appelé, es tombé sur une voix fatiguée : « J’arrive. » A ce moment, tu t’es dit que tu étais vraiment con : d’avoir gâché la soirée, d’avoir été incapable d’apaiser la situation, d’être parti, de te retrouver à deux heures de chez toi, de Mado, alors que tu n’as qu’une envie : la retrouver, lui demander pardon, en précisant pour la forme qu’elle avait exagérée elle aussi, embrasser ses lèvres, lui dire que tu l’aimes.
Dans le taxi, tu n’avais aucune envie de parler. Tu as seulement annoncé que tu allais au Crotoy, hôtel Les Ambassadeurs. Le chauffeur te regardait bizarrement. Il a dit : « Je connais » puis « Vous avez l’air sacrément fatigué ! » Pendant le trajet, tu fixais la route. Les départementales, ça te rappelait la Bretagne quand, gamin, tu arrivais à La Croix rouge, chez ta grand-mère. Mais ta grand-mère était morte depuis longtemps, tu étais loin de Mado, de ta fille, et le taxi s’arrêtait devant l’hôtel. Tu as réglé la course, regardé en direction de la mer. L’air était doux, avec un vent léger. Tu as sonné. Une jeune fille est venue t’ouvrir. C’est elle que tu avais eu au téléphone tout à l’heure. Elle n’était pas laide, avec une touche de vulgarité comme l’ont les starlettes de la télé-réalité. Elle t’a donné la clé de la chambre, t’a demandé si tu voulais un petit-déjeuner le lendemain matin. Non, tu ne voulais pas. Tu voulais qu’on te laisse tranquille. Tu voulais dormir, envoyer un mot à Mado, lire La bourgeoise de Cecil Saint-Laurent et repartir.
Ta chambre était simple, pas très grande. Un tableau assez moche, un bateau dans une tempête, ornait le mur bleu pâle. Tu ne t’étais pas endormi tout de suite. Tu n’avais pas envoyé de mot à Mado. Tu avais allumé le téléviseur. Tu avais zappé une rediffusion des Experts, des documentaires, les infos en continu. Ton numéro de carte bancaire t’avais permis d’accéder à la chaîne XXL. Trois hommes tatoués sortis d’une salle de musculation donnaient un plaisir forcé à une blonde aux seins refaits. De loin, elle ressemblait à la fille de l’accueil, en modèle Malibu beach. Tu ne détestais pas regarder des pornos ; Mado, non plus. Votre préférence allait aux films français de la fin des années 70, du début des années 80, avec Brigitte Lahaie et Marylin Jess. Tu aimais bien, notamment, ceux que Jean Rollin avait réalisés et scénarisés. Tu y retrouvais, tout autant que dans un Chabrol ou un Sautet, le monde d’avant : sa peau, ses mots, ses silhouettes. Tu n’as eu de cesse de parler du monde d’avant à Mado. Ca la faisait rire souvent. Elle se moquait de toi, avec douceur : tes actrices oubliées, ton Gégauff, ton Cecil Saint-Laurent.
Ce matin, justement, tu lis Cecil Saint-Laurent. Tu prends quelques notes. Tu sais que tu vas écrire, bientôt sur Cecil Saint-Laurent. Ton « Hussard » de coeur, même si les « Hussards » n’existent pas. Le plus oublié aussi, à côté de Nimier, Blondin ou Michel Déon. Laurent, pourtant, était le plus brillant, le plus flamboyant. Tu aimes ses sagas historiques et ses pamphlets, ses fuites dans les palaces et ses dialogues pour les films de Jean Aurel, avec Maurice Ronet. Tu aimes surtout La bourgeoise. Publié en 1974, deux ans avant ta naissance, ce roman te touche. Tu lis, pour la quinzième fois, l’histoire de Catherine, prise entre ses amours, ses désirs, son mari et son amant, une femme loin du féminisme, au plus près de ses plaisirs. Et tu penses à Mado. Tu vas lui écrire et tu vas rentrer. Tu vas t’excuser, sans préciser qu’elle avait exagéré. Tu n’es qu’un con, c’est tout.
En regardant la mer par la fenêtre, tu rallumes ton téléphone. Tu as un message : Mado. Tu imagines qu’elle t’insulte, qu’elle te dit que c’est fini. Mado, dans ces moments-là, tape aussi fort que tu lui as fait du mal. Mais non, ses premiers mots sont une caresse : « Mon amour ». Sur l’écran du portable, tu fais défiler la suite : « Il est enfin parti. Je n’en peux plus de lui. Il me pourrit la vie. Je n’ai qu’une envie : toi. Je fais ma valise et je te rejoins. Qu’il aille se faire foutre, avec sa dégueulasserie et son putain d’égo. Je suis enfin libre. Je t’aime follement Marc. » Tu vas rester, il te semble, quelques jours encore au Crotoy, aux Ambassadeurs.

samedi 14 juillet 2012

Cecil Saint-Laurent et Roger Vadim, fin de la terre

Fin de la terre, sous la pluie ou sous une trouée de soleil du 14 juillet, on a plaisir à paresser en imaginant la peau, les mots, la voix de miss K. 
Le matin, on prend la voiture pour aller acheter la presse. Dans Le Figaro, Sébastien Lapaque parle du Flaubert, à Trouville, et Eric Neuhoff de Mauriac sous de Gaulle, le pamphlet de Jacques Laurent. On va y arriver, à remettre Laurent à sa place, la plus haute et la plus brillante des Hussards. Patrick Besson avait allumé la mèche (http://www.lepoint.fr/editos-du-point/patrick-besson/jacques-laurent-hussard-puni-12-01-2012-1418064_71.php) et notre ami Leroy, dans Causeur, s'est récemment souvenu de La Bourgeoise, un sacré millésime 1974 : http://www.causeur.fr/cecil-saint-laurent-et-la-revolution-sexuelle,18300. On espère rééditer très vite Caroline chérie, pour commencer. En attendant, on fume des cigarettes en relisant Le petit canard de Jacques Laurent et La mutante de Cecil Saint-Laurent. Plus tard, on sera en Algérie avec lui, découvrant ses Passagers et ses Agités d'Alger.
L'après-midi, on amène Louise à son cours de tennis puis on la récupère avec une de ses petites copines, qu'elles s'amusent ensemble. Pendant qu'elles jouent au monopoly ou à cache-cache, on écoute le vent et la mer, au loin, par la porte-fenêtre entrouverte de notre terrasse. Feuilletant les journaux et magazines du jour, on se dit que le gouvernement socialiste manque vraiment de style, qu'il est bizarre que le dopage n'existe que dans le cyclisme et que Stéphane Denis, alias Torquemada dans Le Point, est décidément très bon dans les feuilletons de politique-fiction.
Le soir, la voix et les mots de miss K, doux et érotiques comme sa peau. Des cigarettes encore, alors que la nuit tombe lentement. Le chat Pablo revient d'une virée dans le jardin. Dans le lecteur dévédé du pécé, on hésite à glisser Les Cousins, Les galettes de Pont-Aven ou La Curée. On choisit La Curée, un Vadim de 1966 très librement adapté, par Jean Cau, du roman de Zola. Vadim était très fort pour transposer dans le bel aujourd'hui des classiques de la littérature. Les écrivains faisaient le travail - Cau ici et Roger Vailland pour Les liaisons dangereuses - et il filmait, gourmand au regard froid, les corps sensuels des femmes de sa vie. Dans La Curée, Jane Fonda est mariée à Michel Piccoli, riche homme d'affaires. Elle tombe amoureuse du fils qu'il a eu d'une première noce. Elle en devient folle, prête à tout lâcher. Elle joue bien de ses regards et de sa silhouette. Piccoli prend la situation avec détachement, manipule. Le film, tout en légèreté, a des faiblesses, qui passent bien pourtant. Un certain psychédélisme a vieilli. Les scènes de night-club sont réussies. Une virée à la campagne, au soleil, esquisse une jolie love story. Les dialogues de Cau, paresseux comme il faut, font mouche. Il y a Tina Aumont aussi, très belle. Comme Jane Fonda, nudité offerte et exquise, également, en robe jaune ou tirant à la carabine, pour chahuter, sur son futur amant. On se dit, avant de s'endormir, qu'on aimerait qu'un film soit, aujourd'hui, réjouissant comme les films moyens de Vadim.

mardi 10 juillet 2012

La beauté

La beauté, ce sera un joli petit livre très chic de Frédéric Schiffter, dont nous reparlerons en septembre.
La beauté, aujourd'hui, alors que nous sommes avec Louise fin de la terre, c'est miss K. et le chat Pablo, une nuit, dans la douceur de Paris XIVe.

mardi 3 juillet 2012

Comme la cigarette de Paul Gégauff dans une bibliothèque en ruine


Avant d'être en librairie le 13 septembre, Paul Gégauff est dans ma bibliothèque depuis hier soir. Quelques exemplaires seront envoyés demain aux "professionnels de la profession". On espère qu'ils auront la belle idée de lire cette flânerie, Une âme damnée, en terrasse ombrée en buvant un Anglore de Pfifferling, sur la plage - une jeune fille en bikini à leur côté - ou en écoutant La dolce vita de Christophe, après l'amour.

dimanche 1 juillet 2012

Des seins, de Gégauff, de quelques camarades et autres lectures d'été

Avec les seins nus vus, un mois d'août 1970, par Cecil Saint-Laurent à Saint-Tropez, nous annoncions l'été, qui tarde à se poser.
L'été, nous en reparlerons.
En attendant, notre ami Jérôme Leroy, sur Causeur, s'intéresse à quelques livres à paraître à la rentrée : A nous deux, Paris ! de Benoît Duteurtre, Un week-end en famille de François Marchand et notre Gégauff : Une âme damnée.
C'est à lire ici : http://www.causeur.fr/buzzons-buzzons-nos-joyeux-compagnons,18107 et ça nous touche, infiniment, comme le clin d'oeil de Christian Laborde sur son blogue (http://www.christianlaborde.com/article/article.php/article/cmon-blog) et un très beau papier de Thomas Morales : http://spiritofsixties.canalblog.com/archives/2012/06/06/24435596.html
Si nous n'avons pas lu le Duteurtre, le Week-end en famille de Marchand nous a fait rire, comme rarement, c'est-à-dire depuis Plan social, son précédent roman. C'est stylé, méchant, jubilatoire, léger, profond, réac, très drôle. C'est publié au Cherche-Midi.
Bientôt, il sera temps de se poser la question essentielle : quels livres emmènerons-nous sur les plages de la fin de la terre et sur les rives du lac Léman ?
Bien sûr, il y aura nos chers écrivains oubliés - des romans de Cecil Saint-Laurent, des poèmes de Pierre de Régnier et, pourquoi pas, Jean Freustié.
Il y aura Puchner et Marisha Pessl, que miss K. nous recommande.
Il y aura aussi un polar : Les pendus du Val-sans-retour (Sirius/Régiopolice) de mon vieux camarade Frédéric Paulin. Ca sort ces jours-ci. Dès les premières lignes, on est dedans, en forêt de Brocéliande, où on meurt mystérieusement . C'est nerveux, dégraissé : Frédéric n'a jamais aussi bien écrit. On se rappelle qu'on avait édité son deuxième roman, La dignité des psychopathes, chez le regretté Jean-Paul Bertrand, mort il y a tout juste un an.
Il y aura également La beauté (éditions Autrement), éducation esthétique dandy et balnéaire du "philosophe sans qualités" et surfeur Frédéric Schiffter, Un amour au pied du Mur de François Salvaing - roman de politique et d'amour que nous éditons chez L'Archipel/ Ecriture -, un beau texte court de François Bott - Avez-vous l'adresse du paradis ? (Cherche-midi) -, Les fidélités successives (Albin Michel) où Nicolas d'Estienne d'Orves fouille les plaies de 39/45 ou encore la fugue brésilienne de l'excellent Sébastien Lapaque, chez Actes sud : La convergence des Alizés.
Il y aura enfin, sous la couverture bleue de Stock, Jean-Marc Parisis et Christian Authier. La langue de Parisis, dans La recherche de la couleur, laisse parfois un arrière-goût d'aigreur. Authier, lui, signe un roman exquis, lu un samedi soir et un dimanche : Une certaine fatigue. Tout y est beau et mélancolique, touchant et acéré. Un peu comme un Tavel d'Eric Pfifferling ou comme ce rosé corse pétillant dont nous avons oublié le nom, bu un début d'après-midi délicieux, en terrasse du Café Cartouche, au soleil et sous un ciel couleur marine.