vendredi 31 août 2012

Une âme damnée, Paul Gégauff : Christian Laborde allume la mèche

Pour prolonger l'été, on va reparler très vite des heures douces et légères sur les rives du Léman, de la peau bronzée de miss K, de ses longues jambes, de nos baignades, du soleil qui ne lâche rien, des flâneries en espadrilles, de Cecil Saint-Laurent sur la plage des Mouettes, des dîners en terrasse. On va reparler de ces jours intimes et on va parler, encore, d'Une âme damnée, notre livre buissonnier autour des mots et de la silhouette de Paul Gégauff (https://www.facebook.com/PaulGegauffUneAmeDamnee) que publie, le 13 septembre, Pierre-Guillaume de Roux.
Une âme damnée sort donc le 13 septembre et, le premier, Christian Laborde allume la mèche, met l'eau à la bouche. Rappelons que Laborde est l'auteur, notamment, de L'Os de Dionysos et, cette année, de cette merveille de petit livre chaud et balnéaire : Diane et autres stories en short. Laborde a aimé Une âme damnée : il le dit, l'écrit de sa langue flamboyante. C'est pleine cible, plein coeur, c'est ici (http://www.pau.fr/magazine/chroniques/20120830_124649) et c'est là :

"Prenez le bus, le vélo, un tacot, un otage et filez chez votre libraire acheter le nouveau livre d'Arnaud Le Guern : « Une âme damnée ». Le Guern, il a du coeur, Le Guern, il sait écrire. Le Guern, il est là. Le Guern, il est entré en littérature avec un livre enflammé consacré à Jean-Edern Hallier, intitulé « Stèle pour Edern », paru chez Jean Picollec, en 2001. J'ajoute qu'Arnaud Le Guern est un ami de Jérôme Leroy. Ici-bas, il y a, d'un côté, ceux qui lisent Jérôme Leroy et, de l'autre, ceux qui ne le lisent pas. Ceux qui ne le lisent pas, je ne leur parle pas.
« Une âme damnée » d'Arnaud Le Guern paraît aux Editions Pierre Guillaume de Roux, compte 185 pages et coûte 19,50 euro. Le héros de ce livre, sans gras, ni lourdeur, sans mots morts, sans ce parti pris « réaliste » qui est le moteur poussif des ouvrages moyens, s'appelle Paul Gégauff. Il était écrivain. Il était scénariste. Moi, Gégauff, je ne connaissais pas. Arnaud Le Guern, dès les premières pages de son livre, m'apprend que l'oiseau était hors-normes, un vrai dandy. Il avait dit à son épouse : « Tue-moi si tu veux, mais arrête de m'emmerder ». Et elle, obéissante, de lui coller trois coups de couteau dans le buffet, dans la nuit du 24 au 25 décembre 1983, à l'heure où passe le Père Noël. Il avait 61 ans, elle en avait 25. Elle s'appelait Coco.
Paul Gégauff était le scénariste de René Clément, de Claude Chabrol, d'Eric Rohmer. « Plein soleil », « Le signe du lion », « Que la bête meure » ou « Docteur Popaul », c'est lui. Arnaud Le Guern n'a pas besoin de beaucoup de pages pour dresser le portrait de Gégauff. Un paragraphe lui suffit : « Vous étiez un dandy dilettante tendance Pierre de Régnier, une gloire gâchée du Septième art selon les « professionnels de la profession », « le Brian Jones de la nouvelle vague » selon Bernadette Lafont. Une sacrée carte de visite à l'heure où Luc Besson grillait ses premières cigarettes ». Un paragraphe lui suffit, dis-je. Et ce livre, c'est pour moi le triomphe du paragraphe. Moi, j'aime les paragraphes, j'aime les écrivains pressés de revenir à la ligne : ils considèrent que rien ne doit succéder à une trouvaille verbale, une cadence, une sagaie si ce n'est, au coeur du paragraphe suivant, une autre trouvaille, une autre cadence, une autre sagaie. Qu'ils sont beaux, qu'ils ont du tempo, les paragraphes qui, dans ce livre, se succèdent, s'enchaînent, se répondent, trinquent à la santé d'un Gégauff de nouveau vivant.
Arnaud Le Guern ressemble-t-il à Gégauff ? C'est en tout cas ce qu'affirmait, une nuit, en 1998, un homme avec lequel, dans un bar, il parlait de Brigitte Bardot: « Vous menez une vie de patachon. Vous me faites penser à Paul Gégauff. » Les mots dits la nuit au-dessus des verres vides sont souvent justes. Ceux de l'homme du bar sont restés dans le coeur d'Arnaud Le Guern, rendant l'écriture de son livre possible. Le mémoire se met en route, et Arnaud Le Guern se souvient de ses dix ans, d'Evian, et de ce soir où, à la télé, il découvre « Docteur Popaul », film de Chabrol - scénario de Paul Gégauff-, avec Jean-Paul Belmondo dans le rôle principal. Il a dix ans et il voit tout : l'accident de voiture, l'Alfa Roméo, Belmondo sur l'asphalte. Et Mia Farrow qui lui fait si peur « avec son appareil dentaire, ses lunettes à triple foyer et sa prothèse de jambe ». Retrouvant sa mémoire, revisionnant les films, consultant les coupures de presse, Le Guern, sans jamais se départir de cette légèreté qui permet de distinguer l'écrivain de l'écrivant, poursuit le fantôme de Gégauff, fantôme bien plus présent que tous les morts-vivants qui pérorent autour de nous, dans ce monde saturé de conventions et de médiocrité. On replonge dans les années 60 et 70. On retrouve Françoise Sagan, Maurice Ronet, Jacques Dutronc, Mick Jagger, Marlon Brando et, sur une couverture du magazine « Lui », en queue de pie, jouant du violoncelle, ouvrant les cuisses, Joëlle Mogonsen, la chanteuse du groupe « Il était une fois ». Le passé est vivant dans ce livre, le présent également. Et si l'on croise Le Guern gamin, on le découvre aussi aujourd'hui, s'expliquant avec les mots, tantôt à Paris, tantôt en Bretagne, toujours au bras de Miss K.
Arnaud Le Guern, en faisant revivre Gégauff, en ressuscitant une époque légendaire, résiste à la nôtre où le nivellement ambiant dispute la vedette au saccage quotidien de l'âme. Mais une question, tout à coup, me brûle les lèvres : qu'est donc devenue Coco, la jeune et jolie épouse qui planta par trois fois son surin dans la cage thoracique de Gégauff ? Arnaud Le Guern nous apprend, à la fin de son livre, qu'elle s'est remise à la guitare pour jouer « Armstrong » de Claude Nougaro. Cette Coco, vraiment, est une fille bien."

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