lundi 25 février 2013

L'Adieu aux espadrilles

On est passé par la fin de la terre, par la Savoie aussi : maisons de famille à l'écart du monde. Toujours, le plaisir de la fugue.
Avec Louise, avec Miss K.
On a presque achevé notre saison gégauvienne.
Il y a encore, ce mois-ci, un beau papier dans Service Littéraire, signé Pascal Praud.
Il y a eu également une itévé vidéo, au Jeu de quilles et dans un grand appartement du XIVe, où de talentueux jeunes gens nous ont interrogé sur Une âme damnée. C'est à voir ici :



On a aussi édité, à L'Archipel/Ecriture, le beau roman de notre ami Franck Maubert (prix Renaudot Essai 2012 pour Le dernier modèle - Mille et une nuits) : Ville Close. C'est à rapter, à commander, à acheter, peu importe, mais c'est à lire.
On a lu Libérati, Montaigu, l'infâme R.J. (Ma vie et autres trahisons), le très drôle et percutant Puta Madre de Patrick Besson, et quelques autres encore : le Stendhal de Gérard Guégan, Oscar Coop-Phane, Killian Arthur.
On a écrit, enfin : une préface pour notre réédition de Caroline Chérie de Jacques Laurent, alias Cecil Saint-Laurent (toujours à L'Archipel) ; un papier, dans l'excellente revue Schnock (numéro #6 à paraître le 6 mars), sur Jean-Michel Gravier et son livre culte Les Héros du peuple sont immortels. Et puis, les mots ayant infusé, on écrit toujours, au fond de la mine comme si on était sur la plage ou en terrasse : un roman court, d'amour et d'été. Ca devrait s'appeler L'Adieu aux espadrilles.


dimanche 10 février 2013

Voir Zanzibar et mourir ...


Thibault de Montaigu est lécrivain des peuplades bizarres et des contrées difficiles. Dès son premier roman, Les anges brûlent, il sest intéressé à la jeunesse dorée dAuteuil quil a ensuite emmenée, dans Un jeune homme triste, sur la côte Normande, déguster des fruits de mer en buvant du Pouilly fumé. Plus tard, Les grands gestes la nuit nous a tout dit de la vie des play-boys français et des minettes délurées de bonne famille, au cœur des sixties, entre Paris, Megève et Saint-Tropez. Avec Zanzibar, Montaigu va plus loin : il suit les traces de deux journalistes, Vasconcelos et Klein, dont la ligne de vieinsolente, flamboyante et hasardeusese brise sur larchipel de locéan indien. Lun a été retrouvé pendu au ventilateur de la chambre de sa luxueuse villa ; lautre, ligoté à un poteau maritime, sest fait grignoter les entrailles par des barracudas.
Une vie de patachon
Vasconcelos écrivait des articles touristiques ; Klein était photographe. Ils possédaient un certain charme : lunettes noires, mots à lassaut, filles faciles à leur cou. Klein, notamment, avait rencontré une très jeune Islandaise : sur le ouèbe, ils échangeaient mots doux et coquineries. Dans les gazettes, les premiers reportages des duettistes avaient la cote. Il y avait une langue, un style, des angles de vues. Klein et Vasconcelos ont très vite compris, pourtant, que ça ne payait guère. Leur idée de génie : quitte à toucher une misère pour écrire beaucoup et prendre de trop nombreux clichés, autant paresser à loeil dans des palaces. Avec leurs cartes estampillées Lofficiel Voyage, Tourisme Magazine ou même New York Times, et quelques attachés de presse dans leur poche et ailleurs, ils promettaient des merveilles. Il leur fallait juste avoir le temps de simprégner des lieux, dans le confort et labondance de cadeaux. Ca a marché un temps. Ils ont passé des mois entre lîle de Jura en Ecosse, le Grand Hotel Europe de Saint-Pétersbourg, la Mamounia ou le Lake Palace dUdaipur. Ils ont joué aux rock-stars : mangeant, buvant, baisant sans fin. Un jour, on sest rendu compte quaucun texte ne paraissait. Ca a énervé les payeurs. Des plaintes ont été déposé. Vasconcelos et Klein ont fait la Une des magazines : des escrocs, la honte de leur noble profession. Les intellectuels se sont écharpés autour de leur cas. Des livres, des films ont vu le jour. Pour certains, ils avaient dynamité de lintérieur le système pourri du gagnant-gagnant touristique : je tinvite, tu mencenses.Ultime touche de mystère : la fin tragique des deux gandins qui voulaient voir la vie comme une partie de plaisir loin des figures imposées du quotidien :
Meurtres ou suicides : chacun ses goûts. Montaigu ne choisit pas : « Peu importent les livres, les voyages : on en revient toujours au même point. Et la seule gloire qui nous est échue est celle davoir essayé quand bien même nous savions que tout était vain et perdu davance. »  On le voit, Montaigu est un lointain petit cousin des dandys de la bande à Vadim. Il a le goût des titres qui claquent au vent, un style chic et dilettante comme un costume de lin froissé, au petit matin, un jour dété. Il nous offre, avec Zanzibar, un roman de soleil pâle, de fugue et de mélancolie sur le rebord des tombes. Tout ce que nous aimons, pour matadorer lhiver.
Thibault de Montaigu, Zanzibar, Fayard, 2013
Papier paru dans Causeur Magazine, février 2013