lundi 18 novembre 2013

Name-dropping #2



Monica Sabolo
Elle a reçu le prix de Flore pour Tout cela na rien à voir avec moi. Cétait mérité. Monica a écrit le meilleur roman de la rentrée. On lui aurait donné le Goncourt, le Renaudot et lAcadémie française. Elle les aura plus tard. Quand elle attendait, en fumant une Vogue, que Frédéric Beigbeder, président du jury, lui remette son prix, son chèque et un verre de Pouilly-fumé gravé à son nom, on a trouvé quelle ressemblait à Françoise Sagan, époque Bonjour tristessele roman et le film de Preminger. Nous avions une photo précise en tête, signée Georges Dudognon : même cheveux blonds coupés courts, même air lunaire, même sourire presque timide, même silhouette gracile. Un écho visuel, finalement, du style de Monica Sabolo. Pas étonnant que, dans Tout cela na rien à voir avec moi, beau roman damour, de chagrin et détincelles, lhéroïneinitiales MS - envoie des lettres à Frédéric Berthet. Entre feux follets, les affinités sont électives.
Franck Maubert 
De son premier romanEst-ce bien la nuit?- jusquà Gainsbourg à rebours, publié aux Mille et une nuits, Franck Maubert se joue des genres. Revenu de tout, de la télévision notamment, il tient sa ligne de mots, tel un pêcheur élégant et mélancolique. On retrouve dans sa flânerie sur les pas artistiques du « beau Serge », les « Stations Gainsbourg », ce que nous avions aimé dans Le dernier modèleprix Renaudot Essai 2012et dans Ville close, enquête modianesque entre les murs de Richelieu : la grâce dune plume légère et profonde. Maubert observe, écoute, se balade, trinque, esquisse le contour des âmes et des lieux. Puis il pose avec délicatesse les émotions, mêlant les siennes et celles de ses personnages, sur le papier. Dans Gainsbourg à rebours, on boit des piscines de Dom P. Les trois B. (Bardot, Birkin, Bambou) hantent chaque page. Les mélodies ont une sacrée gueule datmosphère ; les paroles touchent plein coeur. Gainsbarre se pointe, avant de filer pour laisser place à un musée imaginaire. Une époque est retrouvée, et suspendue au trapèze du temps. Aux dernières nouvelles, Maubert serait en Touraine, entouré darbres et de belles quilles. Il écrit un roman, quil nous tarde de lire, autour de la vie, de loeuvre et de la mort de Robert Malaval.
Guillaume Serp
Longtemps, on sest dit quil fallait rééditer Les chérubins électriques, unique roman de Guillaume Serp, alias Guillaume Israel, écrivain, chanteur, dandy, parolier, mort en 1987. Il était le leader de Modern Guy. Beigbeder le citait dans Vacances dans le coma. Thierry Marignac, homme en colère et de haute qualité, nous en avait parlé en évoquant son Paris de la fin des seventies. La première phrase du roman donne le ton : « Cassandre jouait avec le zip de son pantalon. Elle mattendait seule à la terrasse du Flore et plongeait parfois ses lèvres dans un coca-fraise, sans doute rêvait-elle dêtre Marilyn Monroe. » Tout ce que nous aimons. Tout ce quaime aussi Jean-Christophe Napias, tête pensante et âme damnée de lEditeur singulier, maison classieuse qui vient de republier Les Chérubins électriques. La couverture, très pop art, est extra ; la préface dAlexandre Fillon nous éclaire sur Serp, sur le naufrage pailleté des années 80. Le texte, lui, possède toujours le charme dun éternel jeune homme enfui trop tôt. Littérature pas morte : faites passer...
Claire Debru
Nous ne savons pas si Claire Debru aime Monica Sabolo, Franck Maubert et Les Chérubins électriques de Guillaume Serp. On peut le penser : Claire est une jeune femme au goût exquis. Editrice, chez Nil, de la collection « Les affranchis », elle accueille les meilleures plumes du jour. Récemment, Giulio Minghini qui, avec Tyrannicide, sest attiré les foudres de la mamie du Monde des livres, Josyane Savigneau. Josie napprécie guère, il est vrai, quon taquine Philippe Sollers. Claire lui a répondu dans une lettre, telle une coupe de Drappier Zéro dosage jetée au visage, pratique que Savigneau connaît bien. Quand elle écrit, Debru est toujours une jeune femme de goût. La preuve : louvrage quelle consacre, avec Marc Cerisuelo, aux frères Coen. Cest titré Oh Brothers et cest publié chez Capricci, enseigne très sérieuse à laquelle elle offre un grain de folie. Mais ce nest pas tout. Claire a créé, en 2012, le plus drôle des prix littéraires : le prix de la page 112. Il sera remis le 26 novembre. Parmi les huit finalistes sélectionnés par un jury lon retrouve notre ami Roland Jaccard, Grégoire Bouillier ou Pierre-Guillaume de Roux, nous avons nos préférences : Dominique Noguez- Une année qui commence bien -, Pierre LamalattiePrécipitations en milieu acideet Marianne VicLes Mutilés. Si nous en étions, nous voterions sûrement, in fine, pour Noguez. Une affaire à suivre.
Jean Le Gall
New York, pour nous, cétait la ville des textes de Jay McInerney. On pense à ses romans Bright Lights, Big City et La Belle vie, mais aussi, dernièrement, à Bacchus et moi, recueil de chroniques affirmant sa passion des vins, quil compare tantôt à Kate Moss, tantôt à Grace Kelly, sans oublier Milla Jovovich. Un plaisir de lecture, qui donne envie de boire les meilleurs bouteilles. On pense, là, à un champagne de la maison Selosse. New York, aujourdhui, cest aussi le très bon roman de Jean Le Gall : New York sous loccupation, un des premiers titres édité par Eleonore de la Grandière chez Daphnis et Chloé. Avocat daffaires défroqué, éditeur lui-même chez Séguier et Atlantica, Le Gall est un dandy qui aime la bonne chère, les jolies filles et les histoires troussées avec élégance. Dune langue précieuse et précise, il nous raconte les aventures de Sacha, Frédérick et Zelda, trois trentenaires à lassaut et à la caresse de la « Grande Pomme ». Problème : nous sommes en 2007, en pleine crise des Subprimes. La violence va enlacer les plaisirs fânés de la vie. New York sous loccupation : une manière dOscar et les femmes de Limonov revisité par un Paul-Jean Toulet du nouveau siècle. Le Gall, en effet, est un godelureau du sud-ouest qui connaît ses classiques.
JFK
John Fitzgerald Kennedy a été assassiné à Dallas, il y a cinquante ans, le 22 novembre 1963. Tout a été dit, écrit et filmé sur ce jour maudit pour lAmérique.On garde en mémoire le film dOliver Stone, une série trop sérieuse avec la charmante Katie Holmes ou les romans dEllroy et de Norman Mailer. On en veut, pourtant, encore. Il faut lire, durgence et à la suite, John Fitzgerald Kennedy de Fédéric Martinez, chez Perrin, et JFK, le dernier jour de François Forestier, chez Albin Michel. Les deux ouvrages se complètent. Frédéric Martinezdont on noublie pas la balade biographique autour de Toulet et le Petit éloge des vacancesnous parle de la vie de Kennedy et de sa famille. Rien ne manque : il y a le père, les frères, les coups tordus, le sexe, la mafia, la dégueulasserie, le génie politique. Cest sérieux, documenté, avec des zestes déclats de plume qui nous emmènent jusquà la mort de JFK. La mort de Kennedy, François Forestier en fait son affaire, comme il sétait emparé de Marlon Brando dans une biographie au couteau. Seconde après seconde, on revit le drame, avant, pendant, après. Nous sommes lombre de JFK. Les dialogues fusent. Le Texas flamboie de haine. La peur apparaît. Forestier, grand écrivain de nos mythologies, a tout réussi : de la première ligne à la dernière balle.
Victoria Olloqui
Dans Lui, Victoriaquon peut voir dans les salles obscures au générique de Les garçons et Guillaume, à table ! de Guillaume Gallienneprend la pose. Shootée sur huit pages par Olivier Zahm, elle se dévoile et se révèle. Cest un enchantement. Elle porte une nuisette en dentelle et tulle, signée Agent Provocateur, dont la bretelle gauche glisse. Les bas en nylon rouge, de chez Wolford, pare à ravir ses jambes très joliment dessinées. Aux pieds : des escarpins noirs créés par Giuseppe Zanotti, Louboutin et Hermès ; des escarpins blancs made in Pierre Hardy. Nue, dans lembrasure dune porte, elle attire toute la lumière. On ne se lasse pas de Victoria et on se souvient que, il y a quelques années, elle chantait des chansons légères comme un été qui ne finirait pas. Son groupe sappelait Les Chanteuses. En bikini, sur des paroles dOctave Parango, elle nous intimait lordre de secouer nos têtes et nous mettait en garde : « Cest la guerre / Ce soir tous les mecs vont prendre cher / On na pas de casque sur notre scooter / On a failli prendre le RER / Mais on est descendues à Maubert » On va réécouter le CD sans omettre, toujours, de prendre garde à la douceur des choses.
 
Texte paru sur Causeur.fr, novembre 2013
Photo : Olivier Zahm in Lui #3