samedi 29 novembre 2014

L'amour est déclaré - Lecture musicale de Nicolas Rey et Mathieu Saïkaly


A la Maison de la poésie, chaque jeudi, ne pas arriver en retard. Après 20 heures, les portes de la salle Lautréamont sont closes. Patrick Besson en sait quelque chose. L'auteur de Déplacements n'a pas pu entrer. Dans la cave voûtée et remplie, nous étions une quarantaine au coude à coude. Une atmosphère intime qui sied à « Et vivre était sublime », la création de Nicolas Rey et Mathieu Saïkaly. Le jeune musicien, pied nu comme un personnage de Sagan, est le premier sur la scène minuscule : une table, deux chaises, un pupitre. Dans les rangs, ça ne cesse de badiner. On croit reconnaître Eva Green, Emmanuelle Devos et Mazarine Pingeot. C'était une erreur. Les brunes silhouettes n'ont pas fini de nous perdre. Nicolas Rey, enfin, apparaît. On dirait une rock star aux hanches fragiles. Il s'assoit, se saisit d'un cahier. Ses mains tremblent légèrement, telle une caresse sur le papier ; sa voix d'humour et de mélancolie se pose, s'envole. Elle porte des mots tendres et crus signés Albert Cohen, Régis Jauffret ou Louis-Ferdinand Céline. Ne pas oublier le titre du dernier roman de Nicolas : L'Amour est déclaré. Il prend une lumière nouvelle. Une minute de silence est demandée, hommage aux hommes qui trompent leur femme. Préférer, toujours, le taxi de 5 heures du matin à celui de 7 heures. Les habitué(e)s acquiescent d'un rire gêné. En écho, Mathieu Saïkaly, alias « mon petit paquet de chips », reprend Nirvana, Johnny ou Lou Reed. Connaissez-vous Olive Sohn ? L'héroïne de Néfertiti dans un champs de cannes à sucre, de Philippe Jaenada, fait grimper la température. Dans la voix, tantôt douce tantôt déchaînée, de Rey, Olive fait les 400 coups en caraco et petite culotte. Paul Morand approuve : « Elle était belle comme la femme d'un autre. » Des rires saluent l'énoncé des trois règles d'une première étreinte réussie entre amoureux ; Matthieu Saïkaly chante « Sous les jupes des filles ». Applaudissements et cris de joie indiquent que le spectacle ne doit pas s'achever. On en redemande. « Walk the line » rythme d'ultimes aphorismes d'Oscar Wilde, de Bukowski ou le très contemporain : « Hier soir, je me suis bourré la gueule avec Michel Sapin, je ne te raconte même pas ... » En quittant la Maison de la poésie, la petite musique des artistes nous manque déjà. On s'est souvenu de notre découverte, en 1998, de Treize minutes, début prometteur de Nicolas Rey. Penser à le relire, dans son édition Valat d'origine. Histoire de retrouver et prolonger notre plaisir. Elles sont précieuses, les rock stars aux hanches fragiles ...

Papier paru dans le Figaro, octobre 2014

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